Antonio Gramsci, révolutionnaire tragique
Dans une somme, entre biographie intime et analyse de textes, L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci (La Découverte, 2023), Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini éclairent l’écho puissant de l’œuvre politique et morale du philosophie italien, mort en 1937 en prison après avoir théorisé un socialisme démocratique échappant au tournant stalinien. En rappelant les contextes historiques conditionnant une œuvre en mouvement, ils font de Gramsci une figure éternelle de la résistance morale et de la volonté.
Des grands auteurs, on commente souvent la vie et l’œuvre, comme s’il fallait dissocier l’une et l’autre avant de les juxtaposer comme deux sphères distinctes. Mais il y a aussi, chez beaucoup d’entre eux, l’impossibilité de distinguer l’une et l’autre, quand elles s’entrelacent intensément au point de ne plus pouvoir comprendre de quoi relève l’œuvre, sinon de la vie elle-même.
Chez Antonio Gramsci (1891-1937), cette fusion semble particulièrement marquante. C’est l’hypothèse que livrent Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini dans leur analyse circonstanciée du philosophe italien, L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci (La Découverte, 2023). L’essai, fruit d’un séminaire donné à l’École normale supérieure de Lyon depuis 2012, prend soin d’ancrer l’une dans l’autre. Avec leur récit « fondé sur une lecture intégrale, diachronique et historicisée de ses textes », les auteurs rappellent combien la compréhension de son œuvre ne peut se faire qu’à partir d’une contextualisation détaillée des événements historiques (la guerre, la révolution russe, l’Internationale communiste, le fascisme en Italie...), dans lesquelles elle s’inscrit, des années 1910 jusqu’à sa mort : une période dominée par ses trente-trois Cahiers de prison, rédigés de février 1929 à juin 1935.
Analyse de concepts clés
Le travail impressionnant de Descendre et Zancarini documente les leitmotivs qui parcourent ses écrits, tout en restituant le « rythme de la pensée en développement ». Une œuvre-vie dominée par la lutte pour l’émancipation des subalternes, la pensée du national en lien avec une conception internationaliste et le désir d’un communisme synonyme d’égalité et de démocratie. La façon qu’ont les deux auteurs de relier la vie et l’œuvre de Gramsci propose une lecture approfondie des travaux d’un philosophe aujourd’hui largement cité, voire instrumentalisé, grâce à des concepts-clé circulant à tout va dans l’espace politique, y compris par des adversaires idéologiques : hégémonie culturelle, révolution passive, bloc historique, guerre de mouvement et guerre de position, pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté…
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