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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Owen Franken pour PM

Antonio Negri : « Le pouvoir peut toujours être cassé quelque part »

Toni Negri, propos recueillis par Seloua Luste Boulbina publié le 24 mai 2006 11 min

Antonio Negri, figure intellectuelle de la gauche italienne des années de plomb, est considéré comme un philosophe de référence par les altermondialistes. Avec les concepts d’empire et de multitude, il propose une grille de lecture des conflits politiques de notre temps.

Philosophie magazine : Depuis l’Antiquité, de nombreux philosophes ont été en conflit avec le pouvoir. Socrate a été condamné à mort par les Athéniens, Spinoza excommunié, Giordano Bruno condamné au bûcher par l’Inquisition, Rousseau menacé d’emprisonnement... Vous-même avez été accusé par la justice italienne de complicité dans l’assassinat du député Aldo Moro, sans qu’aucune preuve de votre culpabilité ait jamais été apportée. De 1979 à 1983, vous avez été emprisonné en quartier de haute surveillance. Comment vous situez-vous par rapport à la tradition des philosophes dissidents ?

Antonio Negri : Une tradition, qu’est-ce que c’est ? Personne ne se situe dans une tradition. On vit, on devient, c’est tout. L’histoire de la philosophie est une sorte de théologie, une construction abstraite. Moi, je ne me prends pas pour un héros de l’histoire abstraite. Les choses qui vous arrivent, tout au long de votre existence, ne sont que des contingences, il est difficile d’établir des liens entre elles. En ce qui me concerne, j’ai fait des rencontres, j’ai milité et publié quelques livres : ce processus est extrêmement concret.

 

Comment s’articulent, chez vous, l’action militante et la réflexion philosophique ?

A. N. : J’ai mené de front les deux, en parallèle. Pendant longtemps, j’ai utilisé deux identités différentes. Je me servais de mon nom entier, Antonio Negri, pour ma carrière universitaire, pour signer mes traductions de Hegel en italien. Pendant ce temps-là, Toni Negri écrivait et faisait paraître de petits ouvrages militants, sur le sabotage dans les usines, par exemple.

 

Toni Negri, c’est un peu votre double maléfique, l’équivalent de Mister Hyde pour le docteur Jekyll...

A. N. : Ah non, pas du tout. Le docteur Jekyll est gentil et Mister Hyde, méchant. Tandis que moi, dans l’esprit de mes détracteurs au moins, j’ai toujours été méchant. D’un côté, j’étais Toni Negri, le « cerveau » présumé des mouvements de lutte armée d’extrême gauche pendant les années de plomb ; de l’autre, j’étais Antonio Negri, le cattivo maestro, le mauvais maître qui corrompait l’esprit de ses étudiants. Cela étant, il est vrai que j’ai côtoyé des positions violentes au sein de la gauche. Mais je n’ai jamais approuvé la violence comme pratique. Je n’ai jamais confondu non plus les actes dirigés contre les instruments d’exploitation et ceux visant les personnes. Mais ne soyons pas hypocrites : la violence, même illégale, existe aussi dans les institutions et dans l’ensemble des rapports sociaux. On est en droit de s’interroger sur cette présence.

 

Comment avez-vous vécu votre période d’incarcération ?

A. N. : Si vous avez la capacité de résister au malheur, à la douleur, la prison n’est pas difficile à supporter. J’ai passé quatre ans et demi en détention préventive. Je dirais que le pire n’est pas la privation de liberté, mais l’arbitraire. Subir à chaque instant un règlement absurde, devoir négocier sans cesse avec les surveillants, voilà qui est insupportable. Par exemple, il était établi que je n’avais le droit qu’à deux livres par jour. Des amis apportaient à la prison les documents dont j’avais besoin pour mes recherches. Ces documents étaient stockés dans une armoire spéciale. Je devais attendre pour pouvoir avancer dans mes travaux. Pendant cette période, je me suis plongé dans l’œuvre de Spinoza. Depuis mon adolescence, ses œuvres m’accompagnaient, je pouvais presque réciter l’Ethique de mémoire. C’était une pensée proche de mon cœur, mais je ne l’avais jamais étudiée. Dans ma cellule, comme j’avais du temps devant moi, je me suis penché de plus près sur la philosophie spinoziste et j’ai commencé à rédiger L’Anomalie sauvage. L’ontologie de Spinoza m’a particulièrement intéressé. Elle nous permet de penser le monde comme un horizon indépassable, un espace habité par des singularités, que ne surplombe aucune transcendance et que ne guide aucune finalité. Spinoza est le premier philosophe à donner un cadre matérialiste à l’existence humaine. Au contraire de ce qui se passe chez Hobbes, le désir de conserver sa vie tel qu’il l’envisage n’est pas égoïste ni brutal, il devient amour des autres et production de vérité.

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Article issu du magazine n°2 mai 2006 Lire en ligne
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