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François Chérèque, Toni Negri. Métro, boulot, bobo

François Chérèque, Toni Negri, propos recueillis par Martin Legros publié le 19 janvier 2012 13 min

[Actualisation : François Chérèque, ancien leader de la CFDT, est mort le lundi 2 janvier 2017] Et si, contrairement à une idée reçue, le problème des Français était d’aimer trop leur travail ? Cela les rend très vulnérables, psychologiquement, en période de crise. Face au syndicaliste François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, qui tire la sonnette d’alarme, le philosophe italien Toni Negri raisonne en termes de puissance plutôt que de souffrance.

 

Alors que la crise commence à toucher l’économie réelle et que le chômage avoisine à nouveau les 10 % de la population active – soit près de 2,6 millions de personnes –, le travail reste pour les Français l’un des lieux fondamentaux de la construction de soi. À la différence de leurs homologues européens, plus enclins à en faire un simple moyen de subsistance, les Français attendent beaucoup (trop ?) de leur activité, en terme de reconnaissance. Du coup, ils prennent de plein fouet la fragilisation de leur activité en cours, faisant exploser les problèmes d’anxiété, de dépression, de troubles psychiques liés au travail.

C’est la conclusion qui se dégage du « tour de France » que vient de réaliser François Chérèque, le secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), à travers une série de récits emblématiques, publiée sous le titre Patricia, Romain, Nabila et les autres. Le travail, entre souffrances et fierté (Albin Michel, 2011). Face à lui, le philosophe Toni Negri a ouvert le feu par un aveu ironique : « Descartes passait son temps à dormir et à se reposer, il travaillait au maximum deux heures par jour. Ne demandez pas aux philosophes de penser le travail, ils n’y connaissent rien ! » Toni Negri était en réalité très curieux de rencontrer l’un des premiers syndicalistes de France, lui qui a proposé avec le « travail cognitif » l’un des concepts les plus efficaces pour penser la révolution en cours qui détache l’Homo laborans de la production d’objets matériels et le branche sur le grand réseau immatériel des services. Le penseur d’Empire (Exils, 2000) et de Multitude (La Découverte, 2004), deux best-sellers critiques sur la mondialisation, refuse de penser la souffrance au travail avec les catégories de la psychologie dans lesquelles on tend trop facilement à la cantonner. « Utilisons l’idée de la puissance de Spinoza plutôt que celle de la souffrance qui vient des psys. » Le syndicaliste a immédiatement compris la portée politique de la proposition : une puissance, c’est un pouvoir collectif potentiel. Au terme de ce dialogue précieux, où l’expérience vécue du travail trouvait à se reformuler avec les outils de Spinoza et de Marx, on se dit que le temps que les philosophes passent à se reposer n’est pas tout à fait perdu pour le monde du travail…

 

François Chérèque : Le débat sur la valeur travail qui a été au cœur de la dernière élection présidentielle m’a particulièrement agacé. Le discours du candidat Sarkozy était centré autour du slogan : « Travailler plus pour gagner plus ! » Comme si la question du sens du travail pouvait se réduire à celle de sa valeur financière, comptable. Ensuite, j’ai été bouleversé par l’histoire tragique de certains salariés de France Télécom qui sont allés jusqu’au suicide : ce fut notamment le cas d’un militant CFDT qui s’est immolé devant son immeuble de travail. Comment en était-on arrivé là ? C’est ce que j’ai voulu comprendre en recueillant le témoignage de ces travailleurs qu’il m’est donné de rencontrer tous les jours. Le syndicaliste tire sa légitimité des travailleurs. Ce terme, « travailleurs », n’est plus usité : on le trouve ringard, gauchiste… Je tiens toutefois à l’utiliser : il représente le travail et ceux qui le font, ceux à qui il est important de donner la parole. S’il fallait le caractériser, je dirais que la figure du travailleur est tiraillée par deux passions contraires : la souffrance et la fierté.

 

Toni Negri : La figure du travailleur se métamorphose sous nos yeux, les récits passionnants que vous avez recueillis dans votre livre l’attestent. Mais j’ai les plus fortes réserves sur le concept de « souffrance au travail » que l’on emploie depuis une dizaine d’années pour cerner le problème. La figure héroïque du prolétaire, porteur de l’avenir, s’est évanouie, c’est un fait. Mais, du coup, tout se passe comme si le travail redevenait un objet de considération religieuse. On recommence à le voir comme pauvreté, comme situé dans l’ordre du chantage – « Travaille sinon tu seras au chômage » –, comme quelque chose de misérable. Pour comprendre les racines de cette conception, faisons un petit retour en arrière. Jusqu’au Moyen Âge, le travail est resté un objet de mépris. Associé depuis les Grecs à la sphère de l’esclavage, il concernait la canaille ou les pécheurs. Ceux-là méritaient de travailler. Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’il devient dignité et fierté, quand on découvre qu’il crée l’histoire. On y ajoute alors un sujet, le prolétariat, la classe ouvrière, qui n’est plus misérable mais possède la clé de la richesse. Le concept du capital s’est créé sur la dualité d’un sujet, le travail vivant, et la possibilité de discipliner ce travail vivant. Mais c’est le travail vivant qui crée l’histoire. Entre 1848 et 1870, cette vision passe même au centre de toute pensée politique. Aujourd’hui cette figure s’est évanouie. Mais le travailleur est toujours là. Et son activité s’est métamorphosée : elle est devenue immatérielle, liée à des compétences cognitives plus qu’à une force productive, elle ne se réduit plus à une dépense d’énergie effectuée dans un temps donné et ne se cristallise plus dans des produits séparés du travailleur… C’est dans ce cadre qu’il faut penser les nouvelles pathologies du travail.

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Article issu du magazine n°56 janvier 2012 Lire en ligne
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