Apprendre à penser

Alexandre Lacroix publié le 5 min

Nous accédons à ce que l’on appelle penser si nous-mêmes pensons. Pour qu’une telle tentative réussisse nous devons être prêts à apprendre la pensée. » C’est par ces mots que Martin Heidegger a débuté son cours du semestre de l’hiver 1951-1952. Jusque-là, son projet n’est pas contradictoire avec celui du docteur Monique Le Poncin, auteur de Gym cerveau (Le Livre de poche). Monique Le Poncin est en effet à l’origine d’une méthode, composée « d’exercices très précis » et visant à ranimer « les capacités cérébrales laissées en sommeil, ou qui tournaient au ralenti, pour les faire fonctionner à plein régime ». Son ambition, c’est d’aider les patients à lutter contre l’engourdissement des facultés intellectuelles qui peut survenir à la suite d’un accident, d’un départ à la retraite ou sous l’effet du vieillissement. Celle de Heidegger, c’est d’appeler ses auditeurs, jeunes esprits en jachère, à penser.

Seulement voilà, pour reprendre la question posée dans l’intitulé même du cours de Heidegger : qu’appelle-t-on penser ?

Certes, la Gym cerveau de Monique Le Poncin ne répond pas globalement à cette question, mais elle isole un certain nombre de compétences ou d’activités que notre cerveau accomplit avec efficacité, ou non – dans ce dernier cas, elle parle d’« hypo-efficience », donc de fonctionnement ralenti ou détérioré de la « machine ». Il y a, à l’en croire, principalement cinq opérations cérébrales à cultiver par des exercices réguliers : l’activité perceptive, c’est-à-dire la capacité à traiter de manière « rapide et précise » les informations que nous livrent nos sens ; l’activité visuo-spatiale, qui inclut les problèmes d’orientation et de repérage dans l’espace ; l’activité de structuration, soit la capacité à agencer des éléments en un ensemble cohérent ; l’activité logique, principalement déductive ; et enfin l’activité verbale, ou l’aptitude au langage… Pour développer chacune de ces compétences, Monique Le Poncin propose des exercices qui consisteront, par exemple, à résoudre en temps limité des « jeux des sept erreurs », à s’entraîner chez soi le soir à faire le plan sur une feuille des lieux qu’on a visités dans la journée, à trouver la séquence manquante dans une série de chiffres ou encore à composer des mots à partir de séries de lettres, comme au Scrabble. L’ensemble de ces aptitudes sont d’ailleurs sérieusement compromises si jamais un individu, pour quelque raison que ce soit, manque de motivation. C’est pourquoi les états où l’on pense mal, où l’on fait peu appel à son potentiel cérébral, préférant laisser son cerveau somnoler, s’apparentent, selon Monique Le Poncin, à des formes plus ou moins larvées de dépression.

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