L’œuvre au noir de Martin Heidegger
Le troisième volume des « cahiers noirs » de Martin Heidegger paraît aujourd’hui. Dans ces cahiers XII à XV, on découvre un penseur partagé entre l’inquiétude face à un monde dévasté et la possibilité d’un nouveau commencement pour la pensée. La tentation, aussi, de croire que c’est en s’abandonnant à la fureur de la dévastation que ce nouveau commencement pourra advenir.
Difficile de résumer en quelques paragraphes ce dont il est question dans ces quatre nouveaux « cahiers noirs » : difficile de les lire séparément des autres, publiés ou non ; difficile de percer le style tout particulièrement cryptique employé par Heidegger dans ces années 1939-1941 qui marquent le début de la Seconde Guerre mondiale ; difficile de suivre de cheminement d’une pensée qui s’y exprime de manière apparemment décousue. Il faut pourtant essayer, en particulier dans le cas d’un philosophe dont les liens avec le nazisme font l’objet de débats virulents.
Un sentiment d’apocalypse
Commençons par qualifier l’atmosphère qui se dégage de la lecture de ces bribes éparses de réflexion : un sentiment d’apocalypse (même si Heidegger rejetterait certainement le terme). « Quelque chose se déchaîne autour du globe terrestre, que personne, nulle part, ne peut plus tenir en main. […] La pleine essence de la puissance […] devient ce processus par lequel son propre dépassement vers toujours plus de puissance devient sa propre proie. » L’humanité assiste à la « victoir[e] de la fabrication […] qui fait des peuples en leur particularité le simple aliment d’un calcul », à « la dévastation intégrale de l’étant dans son entier […] à partir du délaissement par l’être », au déferlement de la technique « pour la maîtrise et possession de l’étant en sa totalité. »
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