Récits de philosophes en guerre (2/2) : Sartre, Weil et Levinas
La guerre n’est pas seulement affaire de géopolitique et d’armement. Elle est aussi une réalité vécue par des hommes et des femmes, dont de nombreux philosophes ont eux-mêmes fait l’expérience. Dans le cadre d’une série en deux volets sur l’expérience de guerre vécue par les philosophes, voici des textes de Sartre, Weil et Levinas sur « leur » Seconde Guerre mondiale.
Retrouvez ici notre premier volet sur cette question, consacré à la Grande guerre.
« On ne s’habitue pas à mourir »
André Malraux, « Faire la guerre sans l’aimer » (in : Combat, 1944)
Sartre : l’être en guerre
Avant la Seconde Guerre mondiale, Jean-Paul Sartre se considère comme un pacifiste antimilitariste. Dès le début du conflit, il accepte pourtant sa mobilisation, et est envoyé à Essey-lès-Nancy, où il sert comme soldat chargé des sondages météorologistes. Revirement ? Pas vraiment. Nous n’échappons pas, pour Sartre, à la situation historique dans laquelle nous nous inscrivons. Même le refus de faire la guerre est tributaire d’un « être-en-guerre » face auquel il n’y a pas d’issue. « La guerre, on ne la fait pas : c’est elle qui nous fait », écrira-t-il Les Séquestrés d’Altona (1959). C’est déjà ce qu’il affirme en 1940 dans ses Carnets de la drôle de guerre :
“Si je déserte, si je m’embusque, peut-être puis-je éviter de faire la guerre. Mais il m’est impossible d’éviter d’être en guerre. Ceci, je ne puis ni l’accepter ni le refuser, comme quelque chose que j’aurais la liberté de repousser : c’est une modification du monde et de mon être-dans-le monde. La guerre n’est point une aventure qui m’arrive à moi et vis-à-vis de laquelle je puis me conduire de telle ou telle façon. La guerre est une manière d’exister pour le monde et moi qui suis dans le monde, mon destin individuel commence à partir de là”
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