Bye-bye big bang!

La théorie du big bang ? Une avancée, mais aussi un obstacle

« Au fondement de la cosmologie contemporaine, il y a la découverte fondamentale de la fuite accélérée des galaxies. En 1929, Edwin Hubble a montré que les galaxies les plus reculées ont tendance à s’éloigner de nous, à une vitesse proportionnelle à leur éloignement. Nous observons cette fuite des galaxies depuis la Terre. Cependant, à cet égard, il n’y a aucune raison de supposer que notre planète occupe, au sein de l’Univers, une position privilégiée. Il paraît donc légitime d’extrapoler en affirmant que non seulement les galaxies s’éloignent de nous dans toutes les directions, mais que l’Univers lui-même est en expansion. Si c’est le cas, plus on remonte dans le passé, plus la taille de l’Univers se rétrécit. Mettons que sa forme soit sphérique : il arrive nécessairement un moment dans le passé où le rayon de l’Univers tend vers zéro. Une sphère de rayon nul, c’est ce qu’on appelle en physique une singularité. C’est pourquoi, à partir de l’observation de la fuite des galaxies, sont nées les premières théories supposant que l’Univers était né d’un instant zéro et d’une singularité. Quand ces théories ont commencé à se diffuser, elles ont été mal accueillies. La plupart des physiciens, dont Albert Einstein lui-même, étaient plutôt partisans de l’hypothèse d’un univers statique. Pour décrédibiliser les modèles expansionnistes, un physicien britannique nommé Fred Hoyle s’est moqué, dans une émission de la BBC en 1949, de ceux qui croyaient au “big bang”, soit au “grand boum” ! L’expression a fait florès.

Malgré les fortes résistances qu’elle a suscitées au départ, l’idée du big bang a pourtant fini par s’imposer dans la communauté scientifique, parce qu’elle a été confirmée par trois observations. Premièrement, toutes les mesures astronomiques que nous avons pu faire, avec des instruments de plus en plus sophistiqués, ont validé les affirmations de Hubble sur la fuite accélérée des galaxies. Deuxièmement, les éléments légers de l’Univers – comme l’hydrogène, le deutérium, l’hélium ou le lithium – que l’on trouve dans les nuages intragalactiques et qui constituent la grosse majorité de la matière visible de l’Univers, sont présents dans les mêmes proportions, quel que soit l’angle de visée adopté avec les télescopes. Cette uniformité de la répartition des particules légères dans l’espace est peu explicable dans le cadre d’un univers stable, alors qu’elle se comprend aisément dans le cas d’un univers en expansion. Les physiciens, parmi lesquels George Gamow, ont modélisé un processus, appelé la nucléosynthèse primordiale, qui se serait déroulé environ trois minutes après le big bang, aurait formé ces éléments légers par une suite de réactions thermonucléaires et aurait donc réglé du même coup leurs proportions de façon définitive. La troisième observation confirmant la théorie du big bang est celle du rayonnement diffus. Voilà d’ailleurs un cas intéressant : ce phénomène a été prévu théoriquement par Gamow avant d’être confirmé par des mesures empiriques. Très tôt, dès 1922, Gamow a montré que, si big bang il y avait eu, trois cent mille ans après ce phénomène, un autre événement remarquable avait dû se produire : au moment de la formation des atomes, l’Univers, qui n’était jusque-là qu’un plasma ne laissant pas passer la lumière, est devenu transparent à lui-même ; un flash de lumière a été émis. Gamow a prédit qu’il y avait eu un tel rayonnement et il a donné une estimation de sa température très approximative. Or, en 1965, ce rayonnement a été observé tout à fait par hasard par Arno Penzias et Robert Wilson. Ces derniers étaient en train d’essayer de recycler une vieille antenne radar et ils trouvaient un bruit qu’ils ne parvenaient pas à éliminer. Ce bruit qu’ils ont pris au départ pour une anomalie était en réalité dû au rayonnement électromagnétique venu des profondeurs de l’Univers, donc du fond cosmologique diffus. Cela correspondait aux prévisions de Gamow et a valu le prix Nobel à Penzias et à Wilson. À partir de là, l’idée du big bang n’a plus été contestée. Toutes les autres pistes –  celles d’un univers stationnaire ou d’une création continue de matière – ont été abandonnées. L’expansion de l’Univers est désormais considérée comme un fait établi et n’est pas remise en cause par les récents développements que j’exposerai plus loin.