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Camille Froidevaux-Metterie. © Joanna Tarlet-Gauteur / Signatures pour PM

Entretien

Camille Froidevaux-Metterie : “L’horizon du féminisme, c’est un monde où les femmes ne seraient plus des corps”

Camille Froidevaux-Metterie, propos recueillis par Cédric Enjalbert publié le 27 avril 2023 15 min

Figure d’un renouveau du féminisme, la philosophe Camille Froidevaux-Metterie a récemment fait paraître un premier roman, Pleine et Douce. Elle y poursuit une ambition politique et éthique : incarner subjectivement la pensée, lui donner corps, sans rien lâcher de l’universalité du droit.

 

Dans son bureau, deux grandes bibliothèques se font face. L’une est consacrée à la philosophie, l’autre à la pensée féministe. Entre elles, un petit bureau, un guéridon encombré de livres et un lit. Une chambre à soi. C’est ici que la philosophe Camille Froidevaux-Metterie a écrit ses essais et son nouvel ouvrage, un roman intitulé Pleine et Douce. Elle y déploie le cœur de sa réflexion sous une forme fictionnelle et polyphonique, à travers une douzaine de voix féminines, à laquelle se mêle souvent la sienne, entre les lignes. Le cœur ou le corps, car il s’agit bien pour elle, qui s’est engagée aux avant-postes du féminisme, de revenir à une pensée incarnée. Professeure de science politique enseignant à l’université de Reims, elle tient ensemble les dimensions philosophique, historique et sociologique de ce qu’elle a appelé « la révolution du féminin ». Une nouvelle vague qui s’inscrit dans la chronique de l’émancipation des femmes, entamée avec la bataille du vote au XIXe siècle, puis celle de la procréation dans les années 1960, du travail dans les années 1980, de la famille en 1990 et, enfin, du genre dès 2000, jusqu’à faire éclater la binarité des rôles masculin et féminin. Désormais, la convergence des genres a abouti à la féminisation de l’espace social et à la masculinisation (en cours) de la sphère intime… mais ce progrès masque une perte collatérale. Ce grand oublié, c’est le corps. Or Camille Froidevaux-Metterie en a fait un enjeu primordial de la lutte féministe et de la réflexion philosophique, convaincue que les avancées en matière de droit avaient laissé (stratégiquement) dans l’ombre tout un pan de l’expérience vécue, comme une étape nécessaire d’abstraction, faisant des femmes des « hommes comme les autres ». Mais l’affaire Weinstein et le vaste soulèvement contre les scandales sexuels qui s’en est suivi sous la bannière #metoo ont mis en lumière l’objectivation persistante du corps féminin qui reste « à disposition ». « C’est ainsi, écrit-elle, que, par-delà l’irrésistible des avancées sociales et de l’égalisation des conditions, l’intimité sexuelle est demeurée hors du champ des droits fondamentaux. » Cependant, le vent tourne. « De façon éparse et presque insidieuse », via la dénonciation des violences gynécologiques, la sensibilisation à l’endométriose ou la redécouverte du clitoris, par exemple, le corps féminin a « investi le débat public ». Le corps s’est enfin rendu visible… et Camille Froidevaux-Metterie s’est lancée dans cette « bataille de l’intime » !


Camille Froidevaux-Metterie en 6 dates
1968
Naît à Paris
1997 Soutient sa thèse à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)
2010-2015 Est élue membre de l’Institut universitaire de France
2011 Enseigne la science politique et l’histoire des idées à l’université de Reims-Champagne-Ardenne
2018-2022 Chargée de mission Égalité-Diversité
2023 Publie son premier roman, Pleine et Douce (Sabine Wespieser Éditeur)


Que représente la parution d’un premier roman dans votre parcours intellectuel et personnel ?

Camille Froidevaux-Metterie : Je travaille depuis une dizaine d’années à la diversification des modes d’expression de la pensée philosophique et politique. Dans une première version d’Un corps à soi, j’avais imaginé des ouvertures de chapitres sous forme de textes fictionnels incarnant les thématiques corporelles ensuite étudiées. Cette proposition hybride n’était peut-être pas la plus pertinente, mais j’ai surtout compris que j’avais un désir de fiction qu’il fallait que j’assume, sans le dissimuler dans mes essais. J’avais écrit ce que je devais du point de vue théorique et philosophique dans l’essai, j’ai pu alors ouvrir un espace proprement littéraire.

 

Un corps à soi fait référence à Une chambre à soi de Virginia Woolf ; Pleine et Douce emprunte à son « flux de conscience ». Quel rapport entretenez-vous à cette autrice ?

Elle est au sommet de mon Panthéon littéraire, l’une des rares autrices que je relis. J’apprécie la pluralité de ses registres d’écriture : essais, romans, nouvelles, que l’on trouve aussi chez Simone de Beauvoir. Quand on écrit sur la condition féminine, il faut mobiliser tous les outils disponibles : si le projet féministe veut réinventer les relations amoureuses et sexuelles, il doit aussi passer par des propositions littéraires.

 

Dans Un corps à soi, vous empruntez à la philosophe Natalie Depraz la notion de « phénoménologie expérientielle » pour qualifier ce rapport singulier à la philosophie, qui met en avant la première personne, un « je ». Pourquoi ?

Écrire à la première personne, c’est re-vivre une expérience spécifique et la partager. C’est un chemin d’incarnation. Une forme de cohérence épistémologique m’engage à ne pas faire l’économie de la parole des femmes, la mienne comme celle des autres. Dans La Révolution du féminin, je passais déjà au « je » de façon homéopathique, en expérimentant cette démarche phénoménologique. La philosophie, telle qu’elle se pratique de façon immémoriale, s’écrit à la première personne du pluriel : c’est le « nous » du penseur en surplomb, selon une conception très idéaliste, qui s’imagine répandre ses lumières sur le monde. La pratique phénoménologique nous rapatrie sur Terre, puisque le sujet pensant est non seulement incarné mais aussi situé dans une époque et un lieu donnés. La phénoménologie féministe ajoute une brique supplémentaire en considérant que les sujets pensants incarnés sont aussi sexués et qu’ils pensent à partir de cette sexuation. Cette approche rompt avec l’idéalisme mais elle est également une manière de se saisir d’objets inédits dans l’histoire de la philosophie, des objets issus de l’« expérience vécue » du corps féminin, comme les seins, les règles ou le corps enceint. Je parle à ce propos de « nœuds phénoménologiques », soit tous ces bouleversements corporels qui produisent des effets simultanément intimes, sociaux et politiques, impliquant une modification du rapport à soi, aux autres et au monde. L’ouverture d’un tel champ de pensée n’est pas destinée à produire une pensée circulaire, écrite par des femmes pour des femmes. Car penser le corps des femmes revient à penser la condition incarnée en général en explorant des notions universelles, comme la vulnérabilité ou la disponibilité corporelle. Par ailleurs, je ne prétends pas que les hommes n’accordent aucune importance à leur corporéité, ni qu’ils échappent aux injonctions sociales – la pression à la performance, notamment –, mais j’affirme que leur corps ne détermine pas, a priori, les modalités de leur être-au-monde, n’étant pas immédiatement synonyme de discriminations et de violences comme l’est le corps des femmes.

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