Morale

Catharine McKinnon. « J’ai décidé que les femmes avaient besoin d’une philosophie propre »

Catharine McKinnon, propos recueillis par Myriam Dennehy publié le 3 min

Votre formation philosophique a-t-elle influencé votre carrière de juriste ? À quoi servent des références classiques quand on traite des inégalités hommes/femmes aujourd’hui ?

Mes travaux philosophiques et juridiques se sont développés simultanément, ils se sont façonnés l’un l’autre. Je ne prétends pas que la philosophie ou le droit en tant que tel ont « influencé » mes prises de position. Ma principale influence vient plutôt du mouvement des femmes : il permet de prendre conscience de la réalité du statut des femmes et du besoin de provoquer un changement. J’ai décidé que les femmes avaient besoin d’une philosophie propre : j’ai donc écrit Toward a Feminist Theory of the State [Pour une théorie féministe de l’État], où j’aborde aussi des problèmes juridiques majeurs tels que l’égalité des sexes, le viol, l’avortement, la pornographie. Les travaux philosophiques existants définissaient les questions à laquelle la philosophie doit répondre, tout en laissant les femmes à l’écart. À mon avis, il était nécessaire de mener une enquête pour comprendre ce qui n’avait pas été fait pour et sur les femmes, de se demander ce que les femmes pouvaient apporter à la philosophie. C’est ainsi qu’il fallait préparer le terrain, avant de pouvoir commencer à écrire une théorie pour les femmes. Ma théorie de l’égalité, par exemple, montre comment la théorie de l’égalité développée par Aristote[1], telle qu’elle a été appliquée dans le domaine du droit, promeut l’inégalité, et pourquoi. Je n’ai pas cherché à plaquer des références philosophiques classiques sur des « problématiques contemporaines ». Ma théorie se fonde sur une étude de la philosophie aristotélicienne et des usages, largement tacites, qui en ont été faits dans des doctrines juridiques de l’égalité qui connaissent une application quasi universelle, et elle montre en quoi celle-ci est erronée.

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Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
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