Hors-série "Stoïcisme"

Christopher Gill : les cercles vertueux d’une éthique contemporaine

Christopher Gill, propos recueillis par Octave Larmagnac-Matheron publié le 6 min

Le philosophe Christopher Gill relève que le domaine de ce qui dépend de nous s’est accru considérablement avec l’industrialisation et la technologie modernes. Cet état de fait rend plus urgent que jamais le souci de « vivre selon la nature » en prenant soin des autres et en étendant le cercle de notre attention au monde. Actualisation de la pensée stoïcienne, de nos modes de vie à l’empreinte carbone.

 

Les stoïciens ne soupçonnaient pas que l’activité humaine puisse affecter la nature au point de la dérégler. Leur approche peut-elle nourrir la pensée écologique ?

Il est important de reconnaître que, si nous pouvons nous tourner vers le stoïcisme pour réfléchir à l’éthique environnementale, ces problèmes sont les nôtres. Les stoïciens n’y ont pas été confrontés. Ce sont les êtres humains modernes qui ont causé le dérèglement du climat, la disparition de la biodiversité, la pollution généralisée de l’environnement ; les Anciens n’avaient pas idée d’un tel pouvoir sur la nature. Cependant, la conception stoïcienne de la nature et du rôle des êtres humains dans la nature peut nous aider à formuler une manière de penser et d’agir alternative à l’approche moderne qui s’est révélée si nuisible. À cause de la crise environnementale, nous sommes plus conscients que les stoïciens de la portée potentiellement destructrice des usages de notre rationalité. Notamment grâce à la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas – thème récurrent chez Épictète. Avec l’industrialisation et la technologie modernes, les limites entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas ont changé ; par conséquent, notre responsabilité à l’égard de ce qui se passe dans la nature a, elle aussi, changé. Le stoïcisme peut nous aider dans ce processus d’adaptation.

 

Le stoïcisme soutient que l’homme n’est qu’une partie du tout de la nature. Cette vision peut-elle nous aider aujourd’hui ?

Le stoïcisme insiste sur l’idée que les êtres humains font partie intégrante de la nature dans son ensemble, plutôt qu’ils ne sont les maîtres du cosmos. Mais ils soulignent également ce qu’il y a d’éthique dans ce rapport à la nature : ils considèrent en effet que le but de la vie humaine est de vivre « selon la nature », c’est-à-dire en harmonie avec le cosmos dont nous sommes un fragment. Marc Aurèle transmet avec une puissance toute particulière cette idée que nous devons prendre conscience de ce que nous ne sommes que des parties du tout. En un sens, pour les stoïciens, l’homme est tout particulièrement inséré dans la nature parce qu’il possède, contrairement à l’animal, la rationalité, le logos qui anime le monde. Nous pouvons difficilement accepter aujourd’hui cette dimension de l’approche stoïcienne car bon nombre de penseurs modernes reconnaissent désormais une forme de rationalité aux animaux. Mais nous pouvons sans doute mobiliser l’approche stoïcienne de la rationalité humaine de manière à enrichir nos préoccupations modernes.

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