D’où vient le terme “woke” ?
« Woke ». Ce terme fait polémique et divise des camps irréductibles – entre les défenseurs des droits des minorités et ceux qui critiquent un militantisme aveugle. Mais savons-nous vraiment d’où il vient, et ce qu’il signifie ? Quelques mots d’explication s’imposent.
Un terme né de la lutte pour les droits civiques
Le mot « woke » vient de la forme vernaculaire, en argot afro-américain, de « woken », participe passé de « wake » en anglais, lui-même contraction et racine de « awake », signifiant « être réveillé ». Il est déjà ancien, car il est né sous la plume de l’écrivain afro-américain William Melvin Kelley (1937-2017), qui dénonçait, en 1962, en plein mouvement des droits civiques, l’appropriation par les beatniks blancs d’un certain nombre de mots de vocabulaire venus des ghettos noirs. Dans son article du New York Times, Kelley écrit : « If you’re woke, you dig it » (« Si t’es éveillé, t’as pigé ! »). Le mot « woke » connaît un regain de popularité à la suite du décès de Georges Floyd, survenu à l’été 2020. Le hashtag #blacklivesmatter côtoie alors le hashtag #staywoke. Le terme s’est donc entretemps élargi, puisqu’il signifie désormais repérer, connaître et comprendre les différentes formes d’injustice (raciales, sexuelles, de genre…) ainsi que les systèmes d’oppression qui pèsent sur les minorités. Il peut à la fois englober le sexisme, le racisme, l’homophobie ou toute autre forme de discrimination. Une personne « woke », éveillée, est donc censée être attentive sur tous ces sujets.
Le “woke”, une nouvelle sagesse ?
Le « wokisme » remet en cause des oppressions inaperçues, mais s’adresse aussi à notre propre attention, puisqu’il s’agit d’être en permanence conscient des inégalités. Il ne s’agit plus seulement de se battre pour une égalité juridique entre les citoyens, aujourd’hui reconnue dans les sociétés démocratiques et libérales, mais plutôt de lever le voile des inégalités, souvent commises ou reproduites de façon inconsciente dans la société, à la fois par les « dominants » que par certains « dominés ». Au vu de la signification directe du terme – « éveillé » –, l’on peut remarquer que cette rupture et cette prise de conscience peuvent, sur un certain nombre de plans, rappeler la démarche de Gautama Bouddha (soit « le » Bouddha, ce titre signifiant précisément en sanskrit « l’éveillé ») dont le but, sous l’arbre de l’Éveil, est, par ses enseignements (le dharma), de guider ses adeptes vers la fin des renaissances (saṃsāra) et le nirvāṇa. Le cœur de ses préceptes est de sortir de l’illusion du soi et du monde (le mirage de la Māyā, dans les religions indiennes). À la manière de l’entreprise de prise de conscience du Bouddha, le « woke » invite à reconnaître l’illusion de l’égalité entre tous et à débusquer, dans l’inconscient collectif, qui, selon Frantz Fanon (dans Peaux noires, masques blancs, 1952) est « la conséquence de […] l’imposition culturelle irréfléchie », la reproduction des modes de domination.
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