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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Marko Blazevic/Unsplash

En avoir (ou pas) dans la poche

Victorine de Oliveira publié le 24 janvier 2024 4 min

« Elles arborent des boursouflures diverses, la toile du chino ou du jean tendue, prête à éclater sous une pression aggravée par le mouvement de la marche. Sous les pliures, la torsion, voire les cris presque perceptibles du tissu, on devine la forme rectangulaire d’un portefeuille – plus il est garni, plus l’excroissance fait concurrence à sa voisine la braguette –, d’un téléphone, d’un livre avec le titre bien en vue – Le Crépuscule des idoles, format idéal de l’intello au fond de pantalon qui tombe légèrement – ou d’un paquet de cigarettes si comprimé qu’on en vient à douter de la possibilité d’en tirer la moindre clope saine (si tant est qu’on puisse employer ce mot) et sauve. La façon dont les hommes bourrent leurs poches avec leur vie quotidienne ne cesse de me fasciner – et de m’interroger.

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Première remarque, c’est un trait quasi exclusivement masculin que de martyriser ainsi des pantalons qui ne demandaient qu’à remplir leur fonction première, et certainement pas à servir de sac de randonnée d’appoint. Quand le vestiaire féminin privilégie l’aspect ornemental, parfois peu confortable mais sexy, le masculin mise avant tout sur le pratique. Aussi les vestes, pantalons, manteaux et gilets arborent-ils de multiples poches, extérieures ou intérieures, afin de pouvoir se passer de cet accessoire associé à la féminité : le sac à main. À l’inverse, les vêtements féminins n’ont de poches qu’en trompe-l’œil souvent. C’est à peine si l’on se risquerait à y glisser un doigt, au risque d’y laisser une phalange coincée. C’est d’ailleurs un mème que l’on croise régulièrement sur les réseaux sociaux : une jeune femme surexcitée qui sautille dans tous les sens parce qu’“il y a des poches !!!” Sans surprise, le sujet a même un fil Reddit dédié.

Pouvoir mettre ses mains dans les poches, c’est cool. Ça permet une certaine nonchalance, un air de ne pas y toucher, un esprit effortless, si l’on veut jouer les journalistes mode – on est en pleine fashion week, laissons-nous tenter. Arriver les mains dans les poches a certes quelque chose de péjoratif, mais même s’il nous agace, on envie tous un peu le gars qui peut se permettre la légèreté d’avoir les mains bien ancrées vers le sol et à l’inverse la tête dans les nuages. Les poches vous évitent d’avoir les bras ballants, comme deux accessoires mal emmanchés. Pour ma part, j’aime bien y laisser traîner un truc à triturer : une pièce, un marron en automne ou un coquillage l’été. Ça m’apaise, et personne ne voit que j’écoute à moitié la conversation alors que l’objet tourne entre mes doigts. On n’est pas à l’abri de surprises quand on fait les poches de quelqu’un.

Mais dans le cas cité plus haut, aucun mystère à dévoiler : on devine littéralement tout, au point que je me demande si cet étalage ne devient pas un substitut pour autre chose. Mouler son smartphone, d’accord, mais il est plus difficile de mettre le paquet. Les alternatives au sac à main existent pourtant, alternatives pratiques et parfois légères : la sacoche, le tote bag, la banane (à porter en bandoulière en revanche, on n’est plus dans les années 80, merci), le sac à dos régressif ou le baise-en-ville des VRP. Autant de formats qui permettent de garder à portée de main ses essentiels tout en les tenant à une distance raisonnable. Si les hommes considèrent que le sac les aliène – “C’est chiant, ça pendouille, on peut l’oublier quelque part”, se justifient-ils –, je crois au contraire qu’il permet de se libérer des choses tout en reconnaissant leur nécessité. Enfoncées contre la cuisse, ces dernières imposent en effet leur forme en tyrannisant le vêtement, voire en se déformant elles-mêmes. Certes, le sac à main est devenu un fétiche qui affiche ostentatoirement un certain statut social. Mais il est une chose qui permet d’ajuster sa proximité aux autres, qu’on aime se promener léger ou être paré à toutes les éventualités d’une journée, nécessaire de couture compris.

Dans une série de quatre conférences données en 1949 et sobrement intitulée La Chose, Heidegger fait le constat d’une disparition du concept de chose au profit de l’objet, toujours analysé sous le prisme du sujet. Or la chose a son autonomie, et des implications métaphysiques que le Dasein – le concept que le penseur emploie pour désigner l’être humain – aurait tout intérêt à penser. Les choses sont en effet du domaine du familier, du proche. On a beau parfois s’en sentir encombrés, elles forment un élément essentiel de notre rapport au monde. “Nous sommes au sens rigoureux du mot ceux qui sont pourvus de choses”, affirme Heidegger. Le philosophe ne va toutefois pas jusqu’à se vanter d’(en) être bien pourvu. Quant à savoir s’il glissait Être et Temps dans un cartable ou dans sa poche, l’histoire ne le dit pas. »

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