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Enquête

Enfances en errance

Catherine Grandsard publié le 21 mars 2013 13 min

Ils viennent d’Afrique, d’Inde, d’ailleurs… ont moins de 18 ans et vont sans papiers de foyer en centre d’accueil. La question qui taraude ces mineurs étrangers isolés est aussi celle que leur posent les services administratifs, celle de leur identité, souvent introuvable. On serait bien inspiré de leur en proposer une nouvelle, fondée sur ce qu’ils pourraient devenir.

Lorsque nous rencontrons Rahman pour la première fois [1], il a entamé une grève de la faim. Il réclame sans succès une audience auprès de son juge pour enfants. En Grèce, détenu avec d’autres migrants sans papiers, leur grève de la faim collective a conduit à la libération de tout le groupe. Rahman est indigné par le comportement des professionnels du foyer éducatif qui, d’après lui, modifient arbitrairement les règles de vie. Lui connaît le règlement intérieur de l’institution sur le bout des doigts. Et lorsqu’il s’est plaint, il s’est durement fait rabrouer : « Si tu n’es pas content, rentre chez toi ! » Rentrer chez lui ? C’est précisément ce dont il rêve ! Mais c’est impossible… Afghan d’ethnie hazâra (minorité chiite du pays, persécutée de longue date), Rahman a perdu ses deux parents à l’âge de 5 ans, lors d’une attaque de son village par des talibans. Réfugié au Pakistan, puis en Iran, il mène la vie difficile des clandestins. Il fréquente peu l’école, apprend un métier à la va-vite et travaille à plein temps dès l’âge de 12 ans. À 13 ans, il est expulsé vers l’Afghanistan. De l’autre côté de la frontière, à Herat, se trouvant sans aucune attache, il décide de repasser clandestinement en Iran pour rejoindre son oncle et son frère à Téhéran. C’est alors que ses aînés décident de l’envoyer en Europe. Eux n’iront pas. L’aventure est trop difficile, trop coûteuse aussi. Ils ont entendu que, pour les plus jeunes, il existe une opportunité d’obtenir un permis de séjour là-bas. Ils travaillent une année pour réunir la somme nécessaire et le voilà donc parti seul. Il traverse la Turquie, la Grèce, l’Italie avant de parvenir en France. Son voyage n’est pas terminé pour autant. Il lui faut rejoindre un parent qui a réussi à être régularisé en Scandinavie. Mais il a épuisé ses ressources. Il attend à Paris les derniers euros nécessaires. Il fréquente d’autres migrants clandestins en transit, des Afghans comme lui, dont le point de ralliement est situé dans un square parisien. C’est là qu’il est approché par les membres d’une association humanitaire qui lui expliquent qu’en tant que mineur, « il a des droits ». Confié à l’Aide sociale à l’enfance du fait de sa minorité et de son isolement (lire l’encadré, p. 39), il est hébergé à l’hôtel et inscrit à des cours de français. Paris ? Pourquoi pas ! Rahman aime la perspective de rester en France. Son oncle et son frère sont sceptiques et, par téléphone, lui conseillent de s’en tenir au projet initial.

Quatre mois et demi plus tard tombe le résultat de l’examen d’âge osseux : il serait majeur. La prise en charge est aussitôt interrompue et Rahman se retrouve à la rue. Mais quoi ? Il y était déjà, à la rue… Il n’avait rien demandé à personne. Ce sont eux, les Français, qui sont venus le chercher ! Devant ses protestations, le juge décide de revenir aux éléments d’identité figurant sur sa pièce d’identité afghane, sa tazkira, et lui propose un placement en foyer éducatif. Il y croit à nouveau. Mais il est de jour en jour plus perturbé par l’arbitraire des éducateurs. Pourquoi le traite-t-on comme un enfant ? Pourquoi le surveille-t-on sans cesse, alors qu’il y a peu on l’avait décrété majeur ? Les éducateurs de l’Aide sociale à l’enfance l’avaient laissé seul dans un hôtel durant un an, et voilà que ceux du foyer sont sans cesse après lui…
 

De trajectoires en lignes de fuite
Depuis plus d’une dizaine d’années arrivent en France des migrants tels qu’on n’en avait encore jamais vus. Appelés « mineurs isolés étrangers » (MIE) ou « mineurs étrangers non accompagnés » (Mena), ce sont des adolescents, des garçons, âgés de 16 à 17 ans, parfois des adolescentes, quelquefois des enfants beaucoup plus jeunes, âgés de 6 ou 7 ans. Au début des années 2000, des fillettes chinoises originaires des environs de Wenzhou étaient souvent déposées par leurs passeurs à la porte d’un foyer d’accueil d’urgence de l’Aide sociale à l’enfance. Sans existence légale, souvent non déclarées à l’état civil chinois du fait de la politique de l’enfant unique, elles ne provenaient pourtant pas de familles démunies. Leurs parents avaient décidé d’investir en leur payant le voyage jusqu’en Europe. Certains mineurs fuient la guerre, sont rescapés de conflits armés à peine terminés ou tentent d’échapper à un régime politique despotique. C’est le cas des Afghans, des Soudanais, des Érythréens, de nombreux Congolais ou Angolais, des Bangladais bouddhistes, chrétiens ou hindous… D’autres quittent leur pays pour des motifs économiques, en accord avec leur famille, voire missionnés par elle, pour sortir de la misère ou progresser sur l’échelle sociale. C’est le cas des sikhs du Pendjab indien ou des Pakistanais et des Bangladais musulmans. Les adolescents venant du Maghreb partent souvent de leur propre initiative. Lorsqu’ils pénètrent en Europe, après plusieurs tentatives manquées et au péril de leur vie, ils circulent dans les pays de l’espace Schengen, au gré des opportunités. Il arrive qu’ils reproduisent en France la vie qu’ils avaient connue au Maghreb. Parmi eux, certains avaient été déclarés « malades » par leur famille. On les a dits ensorcelés, possédés par des esprits, des jnouns. Les mineurs isolés originaires d’Afrique centrale ont parfois été accusés d’être eux-mêmes des sorciers. Ceux-là ont été envoyés en France après l’échec des rituels traditionnels. Leur migration peut alors être considérée à la fois comme une sorte de bannissement et comme un « traitement » de dernier recours.
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Article issu du magazine n°68 mars 2013 Lire en ligne
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