Entre Hamlet et Mad Men

Sandra Laugier publié le 3 min

La Mort aux trousses {1959}

« La Mort aux trousses (North by Northwest) est un paradigme du cinéma d’Hitchcock, curieusement proche de son premier film ou presque, Les 39 Marches (1935) – agents secrets et blonde tourmentée, guerre froide et romantisme cruel, scepticisme identitaire et anxiété du néant. C’est pourtant le plus moderniste de ses films : son héros, Roger Thornhill (Cary Grant), est un agent de publicité de Madison Avenue, à New York, qui a l’air tout droit sorti, comme tout l’habillage du film, de la présente série Mad Men ; il paraît souffrir de la même vacuité morale et absence d’être qu’un Don Draper, de son alcoolisme invétéré (sans doute ce qui lui permet de survivre d’une descente nocturne au volant d’une voiture après ingestion d’un litre de bourbon), d’une capacité de séduction inattendue (bon, c’est Cary Grant)… et d’une immaturité caractéristique de ces comédies du remariage auxquelles nous renvoie le choix, vingt ans après, de la star de L’Impossible Monsieur Bébé (Bringing Up Baby, Howard Hawks, 1939) et d’Indiscrétions (Philadelphia Story, George Cukor, 1940). Cette immaturité et cette vulnérabilité proprement masculines sont un thème du film et en constituent l’intrigue absurde qui s’y noue à la première scène, où Thornhill est victime d’une méprise suite à un appel téléphonique fatal auquel il répond “involontairement” ou “par accident” (j’utilise les distinctions du philosophe anglais John Langshaw Austin [1911-1960]) alors qu’il cherche en réalité à joindre sa mère. Thornhill est identifié par erreur à George Kaplan, un agent du FBI (ou de la CIA, peu importe, car comme l’indique leur chef, le Professeur, “It’s all the same alphabet soup”, [“Tout ça, c’est le même ragoût alphabétique”])… qui n’existe pas, pur être de fiction et de diversion inventé à l’intention du “méchant” Vandamm (James Mason) et de son bras droit Leonard (saisissant Martin Landau).

Expresso : les parcours interactifs
Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
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