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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Éditions Planète

Récit

Esprit “Planète”, es-tu là ?

Michel Eltchaninoff publié le 06 juillet 2023 18 min

Dans les années 1960, la revue Planète a enthousiasmé une génération de lecteurs avec ses articles sur les extraterrestres, le yéti, l’occultisme nazi, les armes secrètes, la parapsychologie, mais aussi le transhumanisme et la pensée de Teilhard de Chardin. Planète est-elle la source de l’irrationalisme et du complotisme d’aujourd’hui, un manifeste philosophique ou la voie d’un merveilleux qu’il faudrait redécouvrir ? Enquête sur un ovni.

 

Qui a fait connaître au grand public Tolkien, Lovecraft, Borges ou C. S. Lewis, l’auteur des Chroniques de Narnia ? Qui a popularisé la mécanique quantique, le transhumanisme naissant, la mystique hindoue ? Qui a fait frissonner avec le satanisme et les sociétés secrètes ? Une revue à l’iconographie audacieuse, à l’impression impeccable, aux textes flamboyants et délirants, Planète, tirée à plus de 100 000 exemplaires entre 1961 et 1968. Elle a donné lieu à une contre-culture originale. Ne se reconnaissant ni dans le gaullisme, ni dans le marxisme, ni dans le Nouveau Roman, ni dans les yé-yé, les auteurs et les lecteurs de ce périodique n’aspiraient pas à passer Polytechnique ni à monter sur les barricades. Mais leurs idées folles ont infusé de toutes parts, jusqu’à nos jours. Désormais, peu de gens connaissent Planète. On trouve pourtant des collections entières dans les vide-greniers. La revue, qui comptait 30 000 abonnés, a été traduite en plusieurs langues et a connu d’innombrables déclinaisons – des séminaires ont même été organisés dans des clubs de vacances. Quant aux amateurs de Tintin ou des Aventuriers de l’Arche perdue, ils ne savent pas forcément ce qu’ils doivent à Planète. D’ailleurs, en grattant un peu, on se rend compte que de nombreux intellectuels ou artistes d’aujourd’hui ont eu leur « période Planète ». Cette revue est l’astre noir de notre époque nourrie de fantasmes conspirationnistes, d’espoirs spatiaux ou transhumanistes, de peurs de l’intelligence artificielle et d’intérêt pour l’ésotérisme. C’est pourquoi il faut l’explorer.

 

L’éveil des magiciens

Tout a commencé par le phénoménal succès du Matin des magiciens, paru en 1960. Ce livre, toujours culte et régulièrement réédité chez Gallimard, oscille entre manifeste esthético-philosophique, épopée et recueil de contes à dormir debout. Il est le fruit de la rencontre de deux personnalités, Louis Pauwels (1920-1997) et Jacques Bergier (1912-1978). Le premier, à l’allure de dandy, est un écrivain ambitieux, qui a frôlé le Goncourt en 1955 avec L’Amour monstre. Élevé par un beau-père artisan, syndicaliste et socialiste romantique, Pauwels tourne le dos à la modernité en 1940, alors que la France s’effondre : « L’hindouisme […] était mon maquis. J’y vivais dans la résistance absolue », écrit-il dans Le Matin des magiciens. Fasciné par René Guénon, qui rejette l’Occident au nom d’une tradition cachée, il devient disciple du mystique syncrétiste Georges Gurdjieff, tout en cherchant à faire carrière dans l’écriture et le journalisme.

C’est sa rencontre avec Jacques Bergier qui est à l’origine du Matin des magiciens. Bergier est une caricature de savant fou, avec son fort accent russe, sa mémoire prodigieuse, son goût pour les mystifications et les thèses abracadabrantes. Hergé l’a représenté dans Vol 714 pour Sydney sous les traits de Mik Ezdanitoff, l’homme à l’oreillette expert en télépathie et en extraterrestres. Le parcours de Bergier est aussi incroyable que mystérieux. Est-il un héros ou un mythomane ? Né à Odessa dans une famille juive qui émigre en 1920, il se retrouve en France quelques années plus tard. Après une formation de chimiste, il se lance dans des entreprises scientifico-industrielles, tout en s’initiant, dit-il, à l’alchimie. Dès le début de la guerre, Bergier entre dans la Résistance. Il affirme avoir été saboteur, chef de réseau, avoir fourni des informations capitales pour la destruction des centres de fabrication des fusées allemandes V1 et V2 par les Alliés. Il raconte également qu’il a dû exécuter des traîtres, qu’il a été torturé et qu’il a mené la révolte du camp de Mauthausen en février 1945. Au sortir de la guerre – même si son biographe, Marc Saccardi, précise qu’« à l’exception de son propre témoignage, nous ne possédons aucune autre source de documentation accessible pour prouver la véracité de ses assertions » (Amateur d’insolite et scribe de miracles. Jacques Bergier [1912-1978], Les Éditions de l’Œil du Sphinx, 2008) –, il se lance dans l’espionnage au profit des Alliés. C’est là, assure  en tout cas Bergier, qu’il rencontre l’officier de renseignement britannique Ian Fleming et lui conseille d’écrire des romans relatant son expérience. James Bond peut lui dire merci ! Bergier prétend aussi avoir eu accès aux archives secrètes du régime nazi. Dans les années 1950, il décide de faire connaître son goût pour la science-fiction et sa passion pour les théories scientifiques comme pour les découvertes les plus échevelées.

“C’est au cœur même de la réalité que l’intelligence, pour peu qu’elle soit suractivée, découvre le fantastique”
Jacques Bergier et Louis Pauwels, fondateurs de Planète

 

Il fallait que les deux hommes se rencontrent pour que l’antimodernisme du premier et la foi en l’avenir du second fassent naître Le Matin des magiciens. Chaque soir, le passionné de sciences exposait les théories les plus délirantes que l’écrivain retranscrivait dans un style héroïque. Leur projet consiste à jeter « un pont entre la mystique et l’esprit moderne ». Le Matin des magiciens passe de l’hypothèse d’anciens astronautes fondateurs de civilisations à l’hypothèse d’un occultisme nazi qui expliquerait leur volonté de dominer le monde, en passant par l’idée d’un cosmos enfin ouvert à l’exploration, faisant entrevoir des progrès humains inouïs, jusqu’à l’immortalité. Science et magie enfin réconciliées ? C’est la promesse de ce best-seller hors norme. Un mouvement résolument optimiste est né, que Bergier et Pauwels baptisent « réalisme fantastique » : « Nous pensons que c’est au cœur même de la réalité que l’intelligence, pour peu qu’elle soit suractivée, découvre le fantastique. Un fantastique qui n’invite pas à l’évasion, mais bien plutôt à une plus profonde adhésion. »

 

Le réenchantement du monde

Face à un succès immense et inattendu – 100 000 exemplaires vendus dès la première année –, les auteurs sentent qu’ils ont éveillé un nouvel esprit du temps. Ils créent Planète, revue bimestrielle de forme carrée, élégante et rebelle. Un visage sculpté ou un masque, précolombien, grec ou romain, orne chaque couverture, suggérant une parole issue du fond des temps. L’éditorial de Louis Pauwels résonne comme une profession de foi « barbare ». « Nous vivons dans un monde où les points d’interrogation ont brusquement grandi, jusqu’à dépasser l’atmosphère terrestre, où les questions essentielles ont retrouvé le souffle épique », annonce-t-il dans le premier numéro, en octobre 1961. Une « conscience planétaire, cosmique » est en train de naître. Planète veut faire monter de la terre « l’odeur franche et fraîche d’une société nouvelle et d’une culture nouvelle ». Il y a en effet « un autre monde dans celui que nous habitons, un autre homme dans celui que nous connaissons ». En appliquant une « attitude ouverte, “martienne”, à tous les domaines », la revue propose une révolution des consciences. Grâce aux progrès des sciences et des techniques, qui envisagent « un homme mutant » et « le contact avec des intelligences différentes dans le cosmos », grâce à la réhabilitation de spiritualités anciennes, de la magie, l’« humanisme traditionnel » est mis en cause. La culpabilité liée à la collaboration, le désarroi face à l’usage de la bombe atomique, l’activisme politique traditionnel doivent être dépassés. Le programme est celui d’un réenchantement du monde.

Expresso : les parcours interactifs
Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
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