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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Francis Hallé

Grand entretien

Francis Hallé: “À cause d’Aristote, nous continuons à faire passer l’animal avant la plante”

Francis Hallé, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 20 août 2019 16 min

À l’heure où la Fondation Cartier pour l’art contemporain expose certaines de ses 24 000 planches de croquis, le botaniste Francis Hallé nous explique pourquoi, pour approcher la vie des végétaux, nous devons revoir toutes nos catégories de pensée. 

La botanique, nouvelle terra incognita ? Et si les catégories que nous employons pour évoquer le phénomène de la vie – « génération », « individu », « mort », « parole », « intelligence »… – étaient bien trop zoocentrées, forgées pour les besoins des animaux en général et des humains en particulier ? L’originalité du botaniste Francis Hallé, auteur d’Éloge de la plante (1999) ou de Plaidoyer pour l’arbre (2005), est de proposer de nouveaux concepts afin de saisir le monde des plantes. C’est donc à un véritable voyage philosophique que ce biologiste, qui a dirigé de 1986 à 2003 les missions du « Radeau des cimes » sur les canopées des forêts tropicales, nous invite. Qu’est-ce que le végétal ? Non seulement nous n’en savons pas grand-chose, mais les réponses passent forcément par un déconditionnement, par une rupture avec notre confort de pensée.

Maecenas faucibus mollis interdum

  • 1938 Naissance à Seine-Port (Seine-et-Marne) 
  • 1966 Soutient sa thèse à l’université d’Abidjan 
  • 1970 Parution de l’ouvrage pionnier Essai sur l’architecture et la dynamique de croissance des arbres tropicaux, écrit avec Roelof A. A. Oldeman, qui met en valeur le concept de « réitération » 
  • 1986 Dirige jusqu’en 2003 les missions « Radeau des cimes » sur les canopées des forêts tropicales 
  • 2013 Le film de Luc Jacquet, Il était une forêt, le met en scène et permet au jeune public de découvrir l’écosystème des forêts primaires 
  • 2019 Participation à l’exposition Nous les arbres, à la Fondation Cartier pour l’art contemporain

« Vous savez, quand j’ai commencé à étudier la botanique, ce n’était pas du tout à la mode », explique Francis Hallé qui nous reçoit dans une vieille bâtisse sur les hauteurs de Montpellier. Sa terrasse donne sur un immense arbre, et, dans son salon, la moitié de la surface est occupée par des plantes grasses en pot. Ses convictions l’ont-elles poussé à accorder autant de place aux plantes qu’aux humains chez lui ? « Non, rit-il, j’ai mis des plantes ici car la maison est branlante et j’ai peur que le plancher s’effondre. En tout cas, si vous m’aviez dit il y a trente ans que j’allais recevoir un conservateur de la Fondation Cartier, qu’il allait regarder les planches que j’ai dessinées et décider de les exposer, je vous aurais répondu qu’il s’agissait de science-fiction. Vous voyez, nos découvertes sont en train de susciter un peu d’intérêt ! » Les dessins de Francis Hallé sont à retrouver dans l’exposition Nous les arbres, jusqu’au 10 novembre. Son trait à la ligne claire a quelque chose d’harmonieux, d’apaisant. Et pourtant, sa réflexion déborde pas mal des frontières tracées par la tradition. Voir le monde avec l’œil de Francis Hallé, c’est reconnaître notre dette envers les arbres – nous leur devons le papier sur lequel ce magazine est imprimé, des charpentes et des meubles, de l’ombre en été, des fruits délicieux, l’oxygène que nous respirons, des promenades en forêt et des sources d’émerveillement. Et en échange ? Non seulement la déforestation fait rage, mais nous avons à peine commencé à comprendre ce qu’est une plante, un arbre.

 

Botaniste, vous vous êtes spécialisé dans l’étude des forêts primaires tropicales. Pourquoi ?

Francis Hallé : D’abord, le voyage était une tradition familiale. Je suis le dernier de sept frères et sœurs qui sont presque tous partis dans leur jeunesse. J’ai eu envie de suivre leur exemple. De plus, les tropiques sont fascinants pour un botaniste. Si je ramasse une plante ici, elle est répertoriée et au moins quarante scientifiques éminents l’ont étudiée. En forêt tropicale, j’ai eu affaire à des plantes jamais manipulées par un savant. Cette impression de terra incognita est exaltante. Comme jeune chercheur, j’étais rattaché à l’Office de la recherche scientifique et technique d’outre-mer [Orstom, aujourd’hui Institut de recherche pour le développement], qui encourageait les missions scientifiques en Guyane française et en Afrique. Enfin, je vais risquer un jugement subjectif… Les forêts tropicales sont bien plus belles sur le plan de la variété des essences, des couleurs, des parfums, de l’esthétique. Je vois la Terre comme une boule assez luxuriante et édénique le long de la ligne de l’Équateur, puis la flore va se raréfiant à mesure qu’on remonte dans les latitudes pour se réduire à une pelouse rase et grise vers le cap Nord. Je n’y peux rien, notre planète est ainsi faite. 

 

Les plantes sont-elles méconnues et mal aimées, si on les compare aux animaux ? 

Cela se ressent à bien des niveaux ! Si un enfant maltraite un animal, il est réprimandé. S’il casse des branches, on ne lui dit rien. La mise à mort du lion Cecil par des braconniers en 2005 a créé un émoi planétaire, mais, chaque jour, des dizaines de milliers d’hectares de forêt tropicale disparaissent sans effusion de larmes. Et puis, il y a le vocabulaire : si vous dites de quelqu’un qu’il est un « légume » ou qu’il est dans un « état végétatif », vous êtes loin de le complimenter. Si vous vous « plantez », c’est que vous êtes nul. La tendance à privilégier l’animal remonte à Aristote et à l’autorité que ses travaux ont exercée durant des siècles. Il distinguait trois sortes d’âme, par ordre hiérarchique croissant : l’âme végétative (les plantes), l’âme sensitive (les animaux), l’âme intellectuelle (l’homme). Aristote était fasciné par la zoologie, ce pourquoi il a écrit ses volumineuses Parties des animaux. Quant aux plantes, elles n’étaient intéressantes à ses yeux que dans la mesure où certaines ont des vertus médicinales… Plus de deux mille ans plus tard, nous ne nous sommes pas défaits de ces préjugés.

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Article issu du magazine n°132 août 2019 Lire en ligne
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