Francis Hallé : un monde nommé forêt
Le célèbre botaniste a posé un radeau sur la cime des arbres et exploré toutes les forêts équatoriales du monde dont il vante la beauté, loin des clichés de l’enfer vert. Aujourd’hui, pourtant, le regard de Francis Hallé est braqué sur l’Europe de l’Ouest où il veut recréer une forêt primordiale. Rendez-vous pour nos descendants dans quelques centaines d’années.
Vous êtes l’homme qui a posé un « radeau », sur la canopée de la forêt amazonienne, il y a quarante ans. Un radeau (conçu notamment avec l’architecte Gilles Ebersolt) qui ne dérivait pas, un vaisseau immobile pour explorer les cimes. En décentrant le regard, de haut en bas plutôt que de bas en haut, qu’avez-vous découvert là-haut : un nouveau monde ?
Francis Hallé : Un nouveau monde ? C’est un peu trop ! Mais j’ai vu ce qu’il y a de plus beau dans la forêt équatoriale. Ce « radeau des cimes » est ce que j’ai fait de plus fructueux sur le plan scientifique, et aussi de plus amusant ! Et puis, il a contribué, je crois, à faire évoluer la perception que nous avons des plantes. Elles ont longtemps été des mal-aimées. Depuis Aristote, en fait, il y a eu un primat de l’animal sur le végétal. Si un enfant maltraite un animal, il est réprimandé ; s’il casse des branches, on ne lui dit rien. Pensez également au vocabulaire : lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il est un « légume » ou dans un « état végétatif », ce n’est pas plus un compliment que si vous en parlez en disant qu’il se plante ! Sur un plan plus strictement scientifique, nous avons récolté dans la canopée des feuilles issues de réitérations différentes et confirmé que les arbres ont plusieurs génomes : une cinquantaine pour un arbre de taille moyenne.
Plusieurs génomes, c’est la grande différence entre les animaux et les plantes ?
Lorsque vous vous intéressez aux plantes, il faut changer de perspective et d’abord renoncer à la notion d’individu. Appliquée à un être vivant, cette notion suppose que toutes ses cellules aient le même génome et qu’on ne puisse pas couper son corps en plusieurs parties sans le tuer. Vous ne pouvez pas couper un animal en deux et le maintenir en vie. En revanche, on peut, avec un peu de temps et un bon sécateur, faire des milliers de plantes à partir d’une seule – c’est le « bouturage ». Cette divisibilité a longtemps masqué le phénomène dont je parlais, à savoir que les plantes, et les arbres en particulier, ont presque toujours plusieurs génomes. Cela résulte de la réitération : un arbre a un programme génétique de croissance et de développement. Tant qu’il ne l’a exprimé qu’une seule fois, il est unitaire, pas encore coloniaire. Mais dans l’énorme majorité des cas, il y a une réitération c’est-à-dire la répétition de son programme architectural. Allez en forêt : vous observerez que sur le tronc principal de certains arbres apparaissent de nouveaux troncs. Ce ne sont pas des graines qui germent, mais des bourgeons qui se réveillent. En bas de ces troncs, il y a des racines qui vont puiser l’eau dans la structure vivante en dessous, donc dans l’arbre qui le porte.
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
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