Suzanne Simard et le peuple des arbres
Le tout est souvent plus que la somme de ses parties et la forêt n’échappe pas à cette règle : elle est bien plus que l’addition des plantes et champignons qui la composent. C’est une véritable société, affirme l’écologue canadienne Suzanne Simard, faite de solidarités, de coopérations et d’échanges mutuellement avantageux. Une communauté rhizomique sur laquelle veillent les « arbres-mères », dont les hommes feraient bien de s’inspirer.
La forêt est comme une symphonie, écrivez-vous…
Suzanne Simard : Dans un orchestre, il y a des musiciens jouant des bois, cuivres, percussions et cordes. Ensemble, ils créent une symphonie. Cette harmonie, on la retrouve dans une forêt. Comme des musiciens, les plantes, les arbres, les champignons, les animaux coexistent et composent une biodiversité résiliente. Par la circulation de l’eau, de l’azote ou du dioxyde de carbone, ces organismes s’accordent ensemble en une véritable symphonie.
Y a-t-il un chef d’orchestre ?
Les arbres-mères, ces arbres d’une grande maturité, et surtout (ce qui ne va pas toujours de pair) d’une très grande taille, sont comme le noyau cellulaire de la forêt. Captés par sa couronne dense, le carbone et les nutriments, mais aussi l’énergie, circulent à travers l’arbre-mère jusqu’aux plus petits arbres. Ces arbres guident l’orchestre, mais ne le dirigent pas. Ils en facilitent l’harmonie, en insufflant davantage d’éléments vitaux dans l’écosystème. Ils sont aussi les plaques tournantes dans la circulation de l’information. Ces arbres majeurs relient la forêt. Ils peuvent être en relation avec 80 % de la flore forestière. Un tiers de leur énergie est transmis à la communauté.
Quelle est le rôle des champignons dans ces systèmes, ces réseaux forestiers ?
Les champignons, véritable jungle de filaments, de synapses et de nœuds, assurent une des liaisons essentielles au travers desquelles les arbres et les plantes communiquent et échangent. Il existe une multitude de champignons ; il y a les décomposeurs, les phyto-pathogènes, les saprophytes, les mycorhiziens, etc. Chacun joue un rôle spécifique. Je me suis particulièrement intéressée aux mycorhiziens qui comptent une dizaine de milliers de variétés, au sein des centaines de milliers d’espèces de champignons. Ces derniers entretiennent un lien mutualiste avec les plantes. Sans ce lien, ni le champignon ni la plante ne pourraient survivre. Ce groupe particulier de champignons récupère l’eau et les éléments nutritifs dans le sol, en échange des sucres produits par la photosynthèse réalisée par leurs plantes partenaires. À l’instar d’un réseau neuronal, le réseau mycorhizien émet aussi des signaux et transmet des informations.
« Les plantes sont plus féroces encore que les hommes, et je ne puis passer dans les bois sans horreur », écrit Schopenhauer. À l’opposé des rêveries poétiques qui font de la forêt un refuge, le philosophe allemand s’effraie…
« Vivre et penser comme un arbre » : notre nouveau hors-série est disponible chez votre marchand de journaux ! Une plongée dans la vie et…
Si nous partageons quelque chose avec la vie végétale, la plante pourrait-elle nous inspirer de nouvelles formes de coopération et d’organisation ? Analyse dans le sillage de Gilles Deleuze et de Félix Guattari.
À l’heure du « tournant végétal » de la philosophie, la référence à Hedwig Conrad-Martius reste oubliée. Elle fut pourtant, dès 1934, l…
D’autres politiques que celle du gouvernement sont-elles possibles face au Covid-19 ? Voici, imaginés par le philosophe de la médecine David…
Longtemps négligés, les champignons passionnent désormais les chercheurs. Plus discrets que les arbres, car leur vie se déroule essentiellement sous terre, ces champions de la collaboration n’en sont pas moins indispensables à l…
C’est un lieu de culture, dans tous les sens du terme : au domaine de Chaumont-sur-Loire, les arts contemporains s’harmonisent avec les jardins depuis 1992. Mais s’y ajoute cette année un centre de réflexion qui organise des « …
Faut-il étendre certains droits aux arbres, aux végétaux et aux écosystèmes ? Pourront-ils plaider devant un juge ? L’idée fait son chemin et certains en viennent même à considérer la plante comme une personne juridique. …