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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© David Ignaszewski / Koboy pour PM

François Jullien, Yu Hua. De Mao aux J. O.

Yu Hua, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 26 août 2009 16 min

Le sinologue François Jullien et l’écrivain chinois Yu Hua se sont rencontrés pour la première fois à l’initiative de Philosophie magazine dans le cadre des Assises internationales du roman. Malgré des références communes, les deux auteurs n’ont pas la même perception des transformations en cours.

D’un côté, un philosophe européen qui s’est imprégné des classiques de la pensée chinoise pour construire son œuvre. De l’autre, un grand écrivain chinois qui utilise les codes du roman occidental et s’inspire de Dickens ou Balzac pour raconter l’histoire de son pays. François Jullien et Yu Hua ont des itinéraires symétriques, chacun s’efforçant de saisir sa propre situation en effectuant un détour qui emprunte les références de l’autre…

Né en 1960 à Hangzhou, Yu Hua a d’abord été dentiste pendant cinq ans avant de devenir écrivain, en 1983. En s’inscrivant au Bureau culturel du Parti, il ne renonçait pas à un salaire exceptionnel – en ce temps-là, tout le monde était payé à l’identique –, mais ses nouvelles fonctions plus ou moins fictives lui laissaient le temps d’écrire des textes expérimentaux, voués à une diffusion confidentielle. Artiste d’avant-garde, il se convertit à la prose romanesque dès que des maisons d’édition privées et un marché du livre apparaissent en Chine, avec la transition vers l’économie de marché socialiste, en 1992 ; il enchaîne alors les best-sellers. Vivre ! (Actes Sud, 2008), son deuxième roman, est adapté au cinéma par Zhang Yimou et remporte le grand prix du jury à Cannes en 1994. Quant à Brothers (Actes Sud, 2008), son chef-d’œuvre épique, qui raconte la transition de Mao à nos jours à travers le destin de deux frères, il s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires en Chine – sans compter les éditions pirates.

De son côté, François Jullien, né en 1951, s’est rendu à Pékin en 1975, un an avant la mort de Mao, pour étudier le chinois. Philosophe et sinologue, professeur à l’université Paris-7 et directeur de l’Institut de la pensée contemporaine, il a fait sortir la sinologie du ghetto des érudits, avec des essais qui ont séduit un vaste public, comme Éloge de la fadeur (P. Picquier, 1991 ; rééd. LGF, 2007), Traité de l’efficacité (Grasset, 1997 ; rééd. LGF, 2007) ou encore Nourrir sa vie. À l’écart du bonheur (Seuil, 2005). Son œuvre est regroupée en deux volumes au Seuil, La Pensée chinoise dans le miroir de la philosophie (2007) et La Philosophie inquiétée par la pensée chinoise, qui paraît ce mois-ci. Il publie également en cette rentrée un essai au titre emblématique, L’Invention de l’idéal et le Destin de l’Europe (Seuil). Entre les deux écrivains, un dialogue exceptionnel animé par Philosophie magazine s’est tenu à la Villa Gillet, dans le cadre de la troisième édition des Assises internationales du roman, le 30 mai dernier.

 

Philosophie magazine : Pourquoi avez-vous senti chacun le besoin de faire un détour – par la pensée chinoise pour François Jullien, par le roman occidental pour Yu Hua – pour saisir votre propre réalité ?

François Jullien : Il s’agit d’abord pour moi de tirer parti de la position d’extériorité de la Chine par rapport à l’Europe. Je dis bien extériorité et non altérité, car le chinois se trouve en dehors de la grande famille des langues indo-européennes. La Chine représente également un dehors d’un point de vue historique, jusqu’à une période relativement récente. S’intéresser à la pensée chinoise, c’est donc, en exploitant cette hétérotopie, échapper au mouvement de balancier qui a fécondé la pensée occidentale : entre l’hellénisme et l’hébraïsme, Athènes et Jérusalem, Socrate et Abraham. L’enjeu est d’engager une déconstruction, mais du dehors. Il s’agit tout à la fois de se dépayser, c’est-à-dire, d’éprouver ce qui arrive à la pensée quand on quitte ses références, et de revenir sur les partis pris implicites de la raison européenne, que nous acceptons comme allant de soi et ne pensons pas à interroger. Dans mes essais successifs, qui forment comme un seul livre, j’essaie de tisser une sorte de filet problématique entre l’Europe et la Chine, de façon à capter notre impensé.

Yu Hua : Tous les écrivains chinois utilisent en fait un style occidentalisé. Il y a chez nous une grande tradition du roman en vers, mais cette forme est devenue difficilement acceptable pour le lecteur contemporain. Par ailleurs, il existe en Occident de très nombreux styles d’écriture, tandis que l’expression traditionnelle chinoise tend vers une forme unique. Comme pour François Jullien, la littérature européenne a été pour moi une source d’inspiration. 

 

Vous avez un autre point commun : l’écrivain Lu Xun (1881-1936). François Jullien a rédigé sa thèse sur ce romancier chinois, tandis que Yu Hua le cite souvent comme une de ses plus grandes influences, au côté de Dickens ou de Stendhal… Pouvez-vous nous présenter cet auteur peu connu des Français ?

Y. H. : Dans ma jeunesse, quand j’allais à l’école primaire et au collège, à l’époque de la Révolution culturelle, seuls deux auteurs étaient inscrits au programme : Mao Zedong et Lu Xun. Lorsque j’avais dix ans, je pensais qu’il n’y avait qu’un seul romancier au monde, Lu Xun, et un seul poète, Mao Zedong. Je devais réciter de larges passages des livres de Lu Xun, c’était une corvée immense. À la fin de la Révolution culturelle, il est tombé dans l’oubli. C’est seulement en 1995 que je l’ai redécouvert, parce qu’un réalisateur chinois qui voulait adapter un de ses romans m’a demandé d’écrire le scénario. Je suis allé dans une librairie et j’ai acheté le Journal d’un fou. Dès la première phrase, le personnage se demande : « Pourquoi le chien de mes voisins m’a-t-il regardé d’un air bizarre ? », et l’on comprend qu’il s’agit d’un fou. Chez un écrivain sans talent, il faut des centaines de pages pour faire comprendre qu’un personnage ne tourne pas rond. Chez Lu Xun, c’est évident, d’entrée de jeu. Son œuvre est très puissante, mais à mon sens, seuls des hommes mûrs, expérimentés, peuvent l’apprécier : ce n’est pas de la littérature pour enfants.

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