Greffe d’un cœur de porc : les mystères d’une “métamorphose”
Pour la première fois, un cœur de porc génétiquement modifié a été transplanté, avec succès, chez un être humain. Une prouesse biologique qui interroge, sur le plan éthique notamment. Qu’en penseraient Jean-Luc Nancy, qui a subi une greffe de cœur, et Vinciane Despret, toujours à l’affût des métamorphoses du vivant ? Analyse.
Chien, chimpanzé, cochon
Dans Cœur de chien (1925), l’écrivain russe Mikhaïl Boulgakov imaginait l’histoire d’un canidé errant dont l’hypophyse et les testicules étaient remplacés par ceux d’un être humain. La bête se muait alors peu à peu en homme, ou du moins en un individu qui y ressemblait beaucoup, certains comportements animaux en plus. Espérons qu’un sort du même genre n’attende pas le premier patient à avoir reçu un cœur de porc en guise de greffe !
À vrai dire, l’opération est ici bien différente. Non seulement, on a greffé un organe animal sur un être humain (et non l’inverse), mais surtout, le cœur greffé n’est pas exactement un cœur de porc. Il a été génétiquement modifié pour éviter les rejets par l’organisme hôte. Dans Que diraient les animaux si… on leur posait les bonnes questions ? (2014), la philosophe Vinciane Despret résume ainsi la situation, au sujet de Gal-ko, l’un des premiers cochons modifiés à des fins thérapeutiques : « Il a été reconfiguré afin que la frontière biologique et politique par laquelle nos corps différencient ce qui est “nous” et “pas nous” ne soit plus un obstacle à son don. […] Le noyau de Gal-ko qui survivra à sa mort en dehors de lui deviendra donc part de la vie d’un humain. » Cette opération a un nom officiel : xénogreffe.
C’est d’abord chez les chimpanzés – les plus proches parents génétiques des humains – que furent prélevés les premiers organes animaux à transplanter. Mais les transplantations furent des échecs, le cœur du chimpanzé se révélant trop petit, notamment : « L’argument de la proximité sur lequel reposait sa possibilité devient en même temps celui qui l’en empêche », relève Despret dans son livre. Le cochon, qui a une proximité physiologique plus grande avec nous, est finalement choisi. Le chimpanzé sera toutefois « utilisé » afin de tester la fiabilité des différentes procédures. Un substitut moralement plus acceptable qu’un test direct, potentiellement létal, sur un être humain.
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