Hamit Bozarslan : “La logique qui a conduit au génocide arménien est à l’œuvre dans le Haut-Karabagh”
Depuis que la guerre a repris, voilà près d’un mois, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, on s’interroge sur l’implication de la Turquie dans ce conflit « gelé » pendant trente ans. Pour l’historien et politologue spécialiste du Moyen-Orient, Hamit Bozarslan, ce conflit se fonde sur une« mission historique » de la Turquie fantasmée par son chef d’État, Recep Tayyip Erdoğan. Une idéologie qui réactive la logique à l’œuvre dans le génocide arménien de 1915.
Comment se fait-il que le conflit « gelé » entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan autour du Haut Karabakh reprenne aujourd’hui ?
Hamit Bozarslan : Il est dû tout d’abord à une vacance de pouvoir sur la scène internationale, due à la lâcheté des démocraties. La conquête par la Turquie de la région syrienne d’Afrine, puis du Rojava (Kurdistan syrien), et plus récemment les incursions en Libye et en Méditerranée orientale ont tout au plus donné lieu à des déclarations d’indignation. Or, à chaque fois que les démocraties reculent, les « anti-démocraties » progressent, non parce qu’elles sont puissantes mais parce que les démocraties refusent de montrer leur propre puissance. Cela augmente considérablement la puissance de nuisance d’acteurs régionaux, tels que l’Iran et la Turquie. Et cette puissance est utilisée de la manière la plus cruelle possible. Les démocraties manquent en ce sens de conscience historique. Le deuxième facteur est l’esprit de revanche qui s’est emparé de Bakou, porté par la dynastie Aliyev au pouvoir. La question du Haut-Karabagh n’est pas récente, elle date de 1921. Au lieu d’envisager de résoudre cet enjeu par des négociations, qui déboucheraient soit sur une large autonomie, soit sur un référendum, le régime attise une hostilité qui légitime sur le plan intérieur le nationalisme azéri. Enfin, ce conflit s’insère dans la stratégie d’Erdoğan, qui se sent investi d’une mission historique. Pour lui le temps est venu de l’imposer par la force dans la région, et cela passe désormais par les armes. Le contrôle du Rojava, au Kurdistan syrien, lui a permis de créer un « Djihadistan », où est formée une force mercenaire, déjà déployée en Libye et aujourd’hui dans le Haut-Karabagh.
La reprise du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan plonge les Arméniens dans la pire des aliénations : le déni de reconnaissance.
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