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Julia Kristeva en 2008 à Paris. © John Foley/Opale via Leemage

Julia Kristeva : “Je suis et resterai une ‘étrangère’”

Martin Legros publié le 27 novembre 2019 16 min

Julia Kristeva a côtoyé toutes les grandes idéologies des cinquante dernières années tout en traçant sa propre voie, singulière et plurielle. Mao, la psychanalyse, Sollers, mais aussi le féminisme, la dépression et notre besoin de croire… Cette philosophe à la renommée mondiale se raconte ici comme elle l’a rarement fait.

« Vivre, c’est trouver une forme. » Julia Kristeva aime citer cette formule du poète romantique Friedrich Hölderlin. Née et élevée en Bulgarie, elle est devenue, à son arrivée en France, l’égérie de l’avant-garde littéraire et philosophique des années 1960. Polyglotte jonglant avec les formalistes russes aussi bien qu’avec le nouveau roman ou le structuralisme, elle côtoie Aragon, Barthes et Derrida, participe à la revue Tel Quel, épouse Sollers et s’initie à la psychanalyse avec Lacan. Jusqu’à ce voyage dans la Chine de Mao entrepris en 1974 avec Sollers et Barthes, au moment où le maoïsme apparaît comme une alternative à l’orthodoxie communiste défendue par Althusser… mais où, sous le masque de la Révolution culturelle, un nouveau totalitarisme se met en place. Peu à peu, elle va marquer sa différence, en trouvant des formes, justement, d’intervention et de réflexion singulières. Forte de son expérience du communisme soviétique, elle comprend que la Chine n’est pas ce modèle que vantent ses camarades – même si dans Des Chinoises, elle fait part de sa fascination pour la place de la femme dans la Chine nouvelle. Dans son travail théorique, si elle cherche, comme tout le monde à l’époque, à combiner les enseignements de la linguistique, de la psychanalyse et de l’anthropologie, c’est pour attirer l’attention, à la différence de ses amis fascinés par les structures (du langage, de la société, de l’inconscient), sur tout ce qui leur échappe : les pulsions, le corps, la violence, le non-dit – ce qu’elle appelle le « sémiotique » et qu’elle met à l’épreuve de l’analyse littéraire. En psychanalyse, enfin, elle cherche, dans les pas de Melanie Klein et de Donald Winnicott, à penser la place de la femme au sein d’un modèle, freudien et lacanien, centré autour du mâle œdipien. Ce qui la conduit à restaurer l’idée de différence sexuelle contre la notion contemporaine de genre. Ses engagements se diversifient aussi : mère d’un fils handicapé, elle fonde le Conseil national du handicap ; soucieuse de mettre la psychanalyse au contact des « nouvelles maladies de l’âme », elle tient un séminaire de clinique transculturelle sur la radicalisation des jeunes à la Maison de Solenn ; enfin, athée de culture chrétienne, elle noue un dialogue avec le pape Benoît XVI sur la croyance. Buvard absorbant toutes les modes ou caméléon qui ne se laisse emprisonner par aucune ? « Julia Kristeva change la place des choses », affirmait Roland Barthes. C’est peut-être aussi parce que, en quête de formes nouvelles, elle ne reste elle-même pas en place. 

 

Julia Kristeva en 8 dates

  • 1941 Naissance le 24 juin à Sliven, en Bulgarie
  • 1965 Arrivée à Paris le jour de Noël grâce à une bourse franco-bulgare pour un doctorat en littérature comparée 
  • 1967 Mariage avec Philippe Sollers
  • 1974 Publication de La Révolution du langage poétique (Seuil). Professeure de linguistique à l’université Paris-7-Denis-Diderot. Voyage en Chine avec Philippe Sollers et Roland Barthes
  • 1987 Publication de Soleil noir. Dépression et mélancolie (Gallimard)
  • 1999 Parution du Génie féminin chez Gallimard en trois volumes : Hannah Arendt (1999), Melanie Klein (2000) et Colette (2002)
  • 2011 Invitée à Assise par le pape Benoît XVI pour un dialogue interreligieux sur la croyance
  • 2019 Séminaire animé avec Marie-Rose Moro sur le « Besoin de croire », coorganisé par l’hôpital Cochin et la Maison de Solenn. Il donnera lieu à un essai, Grandir, c’est croire, à paraître chez Bayard en février 2020

Vous avez grandi en Bulgarie communiste, entre un père orthodoxe et une mère scientifique. Quelles influences ont eu sur vous ces croyances opposées ?

Julia Kristeva : J’ai en effet grandi entre un père fervent croyant et une mère biologiste darwinienne qui se faisait discrète. C’est donc moi qui montais au créneau pour attaquer la foi et défendre la raison. Très tôt, j’ai pris le parti des Lumières. Œdipe oblige, je me révoltais contre l’« obscurantisme paternel ». Tout cela dans une société sous l’emprise du totalitarisme communiste. On préparait l’« homme nouveau » dès l’enfance, et j’étais « pionnière », comme tous les écoliers, avant d’intégrer la Jeunesse communiste à l’adolescence. Mon père ne voulait pas nous dresser contre le régime. Il ne marquait pas moins sa dissidence intérieure par ses lectures – Dostoïevski – et par ses chants à l’église. Le but de sa vie, disait-il, c’était de sortir ses filles de ces « intestins de l’enfer » – expression empruntée à La Divine Comédie de Dante. Il n’y avait qu’une « seule façon de se sauver », selon lui, c’était d’apprendre les langues étrangères. Très tôt, en plus du russe, et plus tard de l’anglais, je suis allée à l’école maternelle française, puis à l’Alliance française où je me suis immergée dans la langue française par la littérature. Je me souviens que je grimpais dans les pruniers de ma grand-mère en déclamant des vers de Victor Hugo. 

 

Vous évoquez aussi des moments où, dans la rue, les passants étaient invités à se réjouir des condamnations prononcées lors des procès politiques…

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