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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Photo d’illustration. © Olivier Culmann/Tendance floue

La dissert’ de philo, c’est magique !

Michel Eltchaninoff publié le 04 mars 2024 4 min

« Hier après-midi, j’ai reçu deux jeunes de 17 ans pour leur donner un petit cours de philo. Cela fait plusieurs années que j’entraîne les enfants de mes amis pour le bac, en insistant sur la méthodologie (j’aimais bien ces cours de méthodo quand j’avais enseigné au lycée et à la fac). Cela peut paraître rébarbatif, présenté ainsi, mais vous ne savez pas à quel point travailler un sujet de dissertation peut devenir exaltant.

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On présente souvent la dissertation de philo du bac comme une spécificité française vieillotte, un exercice à la fois abstrait, mécanique et rhétorique. Dans Tristes Tropiques (1955), Claude Lévi-Strauss étrille “les antinomies statiques autour desquelles on nous conseillait de construire nos dissertations philosophiques […] – rationnel et irrationnel, intellectuel et affectif, logique et prélogique”. Bref, “un jeu gratuit”. Pourquoi faut-il un plan en trois parties ? Pourquoi, selon la formule consacrée, soigner ses transitions ? Pourquoi donner la parole, à grand renfort de références classiques, à des penseurs que l’on sera amené à “dépasser” dans une synthèse qu’on a souvent du mal à se représenter autrement que comme un “en même temps” mollasse ?

Pierre-François Moreau (que je salue amicalement : il était mon “caïman” à Normale sup’), décrit la dissert’ de manière un peu ironique. Il s’agit d’“un parcours de pensée en principe personnel, mais où la personnalité ne se construit (dans le meilleur des cas, lorsque l’exercice est réussi) que dans le parcours de positions philosophiques historiquement identifiables. On commence par traverser la position d’un auteur, c’est-à-dire qu’on l’assume comme si on la (re)découvrait soi-même ; ensuite, une objection – ou, mieux, une contradiction interne – exige que cette position soit dépassée et, comme par hasard, un autre auteur vient s’offrir à la réflexion ; à son tour, sa position est explorée de l’intérieur, avec les avantages qu’elle présente par rapport à la précédente ; mais hélas, elle aussi a ses zones d’ombres, et un troisième auteur vient délivrer la synthèse”. On attribue l’invention de cette méthode à Victor Cousin (1792-1867), le ponte de la philosophie française du XIXe siècle, qui considérait qu’il fallait “être juste envers tous les systèmes sans être dupe d’aucun d’eux”, et qu’il s’agissait “de les enrôler tous sous sa bannière, de marcher ainsi à leur tête à la recherche et à la conquête de la vérité” (Manuel de l’histoire de la philosophie). Le nom qu’il a donné à sa philosophie est l’éclectisme. Un genre de kitsch philosophique, en somme.

Eh bien moi, j’aime la dissertation de philosophie, et j’ai vu qu’elle plaisait aussi à mes deux “élèves”. Nous sommes partis d’un sujet des annales : “L’art nous apprend-il quelque chose ?” Avant de déployer la méthode, je leur ai demandé de prendre le temps de décortiquer la phrase. Ils ont vu qu’il faudrait non seulement répondre à la question de l’apprentissage, mais aussi définir le “quelque chose” en question. Ils ont donné leurs définitions de l’art (une activité créatrice, quelque chose qui a à voir avec le plaisir et le beau, une transmission de règles mais aussi d’émotions), et ils se sont efforcés de trouver tous les synonymes qu’ils connaissaient du verbe “apprendre” ainsi que de distinguer les différents arts (et les arts martiaux, en sont-ils un ?)… En fait, au lieu d’appliquer la triste grille des trois parties, nous nous sommes mis à triturer les mots, à découvrir des exemples, à ne pas être d’accord…

Il a ensuite fallu passer à la fameuse problématique, terme sacré qu’emploient tous les profs mais dont le sens n’a rien d’évident. Or nous nous sommes rendu compte que cette problématique découlait directement de l’analyse des termes du sujet. Si l’art m’apprend quelque chose, est-ce de la même manière qu’un cours de maths ? Toutefois, s’il ne m’apprend rien sur le monde ni sur moi, alors il ne serait qu’une parenthèse de divertissement plutôt futile. Les deux options sont recevables, mais décevantes. Il faut donc chercher plus loin. Et soudain, eurêka ! L’art m’apprend quelque chose, me disent à l’unisson Naé et Simon, mais dans une transmission d’émotions (ils en savent quelque chose, ils ont fait du théâtre), et pas un contenu d’informations. Ils ont donc découvert une autre manière d’apprendre, par l’art. Et nous n’avions cité, pour l’instant, aucun nom de philosophe – ni l’un ni l’autre n’avait encore vu la notion d’art en cours.

Bref, quelque chose d’exaltant et d’euphorisant nous est apparu en nous emmêlant les doigts dans l’écheveau de significations de cette question, en séparant les fils et en choisissant la manière de les tisser. Au lieu d’imposer une méthode formelle, nous avons mis en forme des interrogations réelles. S’il y a quelque chose de magique, dans la dissertation, c’est ce moment où tous les mots, les bouts de phrases, les questions notées sur la feuille de brouillon se coagulent. Et donnent naissance à ce que veulent les correcteurs du bac : une argumentation structurée. La dissertation n’est pas un exercice purement scolastique, quand on se pose la question à soi et qu’on la fouille suffisamment. Nous y avons d’ailleurs pris tant de plaisir que nous avons déjà programmé la séance suivante. Merci Victor Cousin. »

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