La première dissertation connue de Michel Serres
La Fontaine et Michel Serres, c'est une longue histoire d'amitié intellectuelle. Sa vie durant, le philosophe a accumulé des notes consacrées au fabuliste du XVIIe siècle. Elles donnent aujourd'hui vie à un passionnant essai posthume, La Fontaine, paru aux Éditions Le Pommier. Parmi elles se trouvait un document exceptionnel, que nous avons aujourd'hui le plaisir de partager avec vous : le plan détaillé de la première dissertation connue de Michel Serres, alors étudiant en classes préparatoires ! Composée en 1950, elle a déjà pour sujet… La Fontaine.
Le manuscrit des notes de Michel Serres
L’extrait à étudier :
« La Fontaine déroba, sous l’air d’une négligence parfois réelle, les artifices de la composition la plus savante, fit ressembler l’art au naturel, souvent même à l’instinct, cacha son génie par son génie même ; tourna au profit de son talent, l’opposition de son esprit et de son âme, et fut dans le siècle des grands écrivains, sinon le premier, du moins le plus étonnant. »
(Chamfort, « Éloge de La Fontaine à l’académie de Marseille », 1774)
Le plan de Michel Serres
[Conclusion de l’étude de Chamfort] : « Tourna au profit de son talent, l’opposition de son esprit et de son âme. »
Introduction
Conclusion d’un morceau académique. Cf. « Une âme si naïve et un esprit si fin » au début. Donc, ce n’est pas l’opposition banale de La Bruyère (« L’homme et l’écrivain », XII, 55) qui ne fait que rendre La Fontaine plus inexplicable.
Intuition d’un fin lecteur. Propose une explication par une connaissance plus vraie de la personnalité de La Fontaine. L’artiste n’explique pas l’homme.
I/ L’opposition entre son esprit et son âme
A/ L’âme
S’opposant à l’esprit : partie primitive de la personnalité. Tendances profondes de l’homme naïveté et inquiétude.
• Naïveté « native », « l’homme tel qu’il paraît être sorti des mains de la nature ». Sensibilité nullement émoussée. Capacité d’émerveillement en occasion perpétuelle de découverte. Cf. Éluard « Si l’on voulait, il n’y aurait que des merveilles. »
Conséquences :
> Sympathie offerte à tout, accord avec le monde. Sentiment qu’il n’y a pas de hiérarchie des sujets poétiques. Tout est sur le même rang.
> Capacité d’attention : il se laisse absorber par ce qu’il regarde. Là est la racine de la ferveur. La Fontaine a trouvé la vie disponible. C’est la racine aussi de sa distraction.
• Inquiétude. Le mot est de lui-même. Aucun tourment romantique ou pascalien. Goût du changement = rythme extrêmement rapide de sa vie intérieure. Curiosité toujours en éveil. Une certaine insatisfaction, et presque aptitude à se lasser. Cf. Lettre à Mme. de La Sablière. (Lettre adressée à sa protectrice, dans laquelle La Fontaine philosophe notamment sur la récente théorie cartésienne de l’animal-machine, avec laquelle il est en désaccord. Il y démontre sa curiosité et son aptitude à la réflexion philosophique.)
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Michel Serres projetait de consacrer un grand ouvrage aux Fables de La Fontaine. Sa mort en 2019 l’en aura empêché. Les éditions Le Pommier ont…
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