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Pablo Picasso et Jean Cocteau en juillet 1959. © PresseAlliance/Photo12

La retraite avant l’arthrite

Cédric Enjalbert publié le 20 janvier 2023 3 min

« On met très longtemps à devenir jeune. » Dans son billet du jour, Cédric Enjalbert explique pourquoi ces mots de Jean Cocteau aux générations futures résonnent étrangement au lendemain de la manifestation contre la réforme des retraites.


« “On met très longtemps à devenir jeune.” Ceci n’est pas un slogan relevé hier sur une pancarte lors de la manif contre la réforme des retraites – il y avait pourtant le choix parmi celles brandies par plus de 1 million de Français ! Non, ce sont des mots de Picasso à Cocteau. Ce dernier le cite dans une allocution de 1962, enregistrée depuis la villa Santo Sospir, à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Jean Cocteau s’adresse à la jeunesse de l’an 2000 : “Picasso me disait : ‘On met très longtemps à devenir jeune.’ Et il avait raison, en ce sens qu’un jeune ne connaît pas encore la route, il se demande où il va aller, s’il va aller à droite ou à gauche, il est inquiet, il est donc vieux.” Je ne connaissais pas cette pensée paradoxale à laquelle je reviens souvent, maintenant ; je l’ai découverte récemment, en assistant à la mise en scène d’un opéra de Philip Glass, inspiré des Enfants terribles. Le spectacle, créé par Phia Ménard à Quimper, tourne actuellement partout en France et en dehors – il est joué, par exemple, ce soir à Clermont-Ferrand, puis à Grenoble, à Bruxelles et à Bobigny dans les prochaines semaines.

Les “enfants terribles” ne sont plus des adolescents dans cette adaptation libre ; ce sont des seniors. Phia Ménard fait ainsi démarrer l’intrigue dans la blancheur d’une maison de retraite, où sont réunis Paul et sa sœur Élisabeth, bientôt rejoints dans leurs jeux chimériques par deux comparses, Gérard et Agathe. “On s’angoisse de la vitesse acquise par le cyclone où respirent ces âmes tragiques et légères”, note Cocteau. Sur une scène concentrique, constituée d’anneaux tournoyants, trois pianistes interprètent en effet la partition hypnotique du compositeur (ravissante quoique minimale et répétitive). Elle met en musique ce conte tragique, ponctué par la mort. Le drame signe métaphoriquement la fin des rêves adolescents, l’entrée dans l’âge adulte chez Cocteau… et la fin du rêve tout court, chez les plus vieux !

“Il est inquiet, il est donc vieux”, écrit le poète. Inversement, cette disposition d’esprit orientée vers le désir, capable d’envisager l’avenir, n’est-elle pas celle qui nous maintient en vie ? C’est ce que suggère Phia Ménard dans sa transposition audacieuse, en insérant le discours de Cocteau aux générations futures, lors d’un intermède ajouté au milieu de l’opéra. Elle convoque avec lui cette puissance “imaginante”, dont Gaston Bachelard parle comme d’une force vitale, “essentiellement ouverte, évasive”. Pour le philosophe, elle “est dans le psychisme humain l’expérience même de l’ouverture, l’expérience même de la nouveauté”. Cette ouverture à la nouveauté, portée par une certaine quiétude, pourrait-elle être une définition de la jouvence ?

C’est ainsi que Cocteau entre bizarrement en écho avec l’actualité de l’an 2023. Car j’entends aujourd’hui différemment cette version de l’opéra, qui met le doigt sur le bouleversement des âges de la vie et les aspirations générationnelles. Si l’on met “très longtemps à devenir jeune”, c’est que cette jeunesse définie comme aspiration à la nouveauté, à la “réinvention de soi”, nous semble désormais une conquête tout au long de la vie. L’existence n’est pas (ou plus) si linéaire qu’elle consisterait en une ligne droite de la naissance à la mort, passant de la jeunesse à la vieillesse, de l’inquiétude à la quiétude et de la vie active à la retraite. Le philosophe Denis Maillard souligne autrement dans nos colonnes ce renversement de perspective, qui rend incompréhensible, voire inacceptable la conception de la retraite comme simple promesse d’un “bonheur différé”, vie après la vie, repos incertain après des années d’inquiétude. “La retraite avant l’arthrite”, pouvait-on lire sur les pancartes, dans le cortège hier. Bien avant ? »

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