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La voie de l'appropriation

Martin Legros publié le 24 septembre 2015 3 min

Est-il possible de s’adonner à l’appropriation, à l’enrichissement et à la jouissance sans se demander si l’on n’est pas en train de fauter ou de passer à côté de l’essentiel ? Oui, à condition de renverser tous les préjugés attachés à l’argent et au profit.

Il a fallu une véritable révolution pour qu’émerge un rapport apaisé à l’appropriation. Et cette révolution a pris un tour paradoxal, puisqu’elle s’opéra dans des esprits hantés par leur propre salut. Dans L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber (1864-1920) a mis en lumière, au départ du capitalisme, une inquiétude métaphysique fondamentale. Les premiers capitalistes sont des protestants qui ont  décidé de voir dans le succès de leur entreprise le signe de cette élection divine dont ils ne peuvent avoir aucune certitude. C’est l’origine de l’idée de vocation : la réussite professionnelle devient le « moyen le plus sûr de s’assurer de son état de grâce ». Et comme on ne peut jouir du profit, on est contraint de le réinvestir. L’ascèse propre au capitalisme naissant ne vise plus à rompre avec le monde, comme chez saint François, elle est « intramondaine ». « L’ascèse protestante intramondaine mit tout en œuvre pour combattre la jouissance spontanée de la fortune, elle restreignit la consommation, en particulier les consommations de luxe. En revanche, elle eut pour effet psychologique de libérer l’enrichissement des entraves de l’éthique traditionnelle, de supprimer ce qui faisait obstacle à la quête de profit, en présentant celle-ci non seulement comme légitime, mais comme immédiatement voulue par Dieu. »

« L’argent surplombe les objets avec une parfaite indifférence »

Georg Simmel

Dans la tradition libérale, cette logique se coupa peu à peu de sa racine religieuse. Dans son Traité du gouvernement civil, Locke (1632-1704) procède le premier à une légitimation de la propriété par le seul travail, dissocié de Dieu : si la terre est commune au départ, l’homme « y ajoute quelque chose de plus que la nature et, par ce moyen, elle devient son bien particulier. […] Le travail qui est mien, en mettant ces choses hors de l’état commun où elles étaient, les a fixées et me les a appropriées. […] Tout ce à quoi il applique ses soins et son industrie, pour le tirer hors de l’état où la nature l’y a mis, devient, sans difficulté, son bien propre ». Au-delà de Locke, c’est la tradition utilitariste qui se penche sur l’acquisition avec une neutralité bienveillante. Un acte d’appropriation ne précipite pas nécessairement l’homme dans une convoitise illimitée. Pour Jeremy Bentham (1748-1832), il est apprécié en fonction de son « utilité » – sa capacité à procurer des avantages et du plaisir au plus grand nombre. Plus besoin d’invoquer Dieu, la Justice ou la Fraternité humaine pour limiter la convoitise individuelle : l’acquisition est acceptée sur la base d’une observation rationnelle des avantages et des inconvénients en terme de plaisir pour le plus grand nombre. L’argent devient un pur moyen, détaché de valeur morale, mais porteur d’une universalité intrinsèque. Dans sa Philosophie de l’argent, Georg Simmel (1858-1918) a donné à cette approche de l’argent sa formulation la plus nette. L’argent, soutient-il, est le « moyen absolu » qui peut être échangé contre tous les objets, le grand égalisateur qui « réduit les valeurs les plus hautes, comme les plus basses, uniformément, à une seule et unique forme de valeur, les ramenant ainsi au même niveau fondamental, malgré toute leur diversité qualitative et quantitative », mais surtout « il n’a aucun rapport de contenu avec la fin particulière qu’il nous aide à atteindre. Il surplombe les objets avec une parfaite indifférence ».

Cette indifférence n’est-elle pas ce qui pose justement un problème de justice ? Non, répond John Rawls (1921-2002), dans sa Théorie de la justice : les inégalités propres au monde libéral sont légitimes dès lors qu’on peut montrer, sur la base même du principe d’utilité, qu’elles profitent au plus grand nombre. Le vrai, le juste, le bien, toutes les valeurs qui permettaient de dévaluer l’avoir sont ainsi réévaluées à l’aune de leur utilité. On ne contemple plus ces valeurs dans une expérience extatique, on en fait l’expérience par leurs effets. L’aspiration au profit, comme l’écrit Weber, « s’affranchit de sa signification éthique et religieuse, pour s’associer aux passions de la pure compétition et du sport ».

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