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Jeanne Burgart Goutal. © Yohanne Lamoulère/Tendance floue

Féminisme

Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe. Jeanne Burgart Goutal

Jeanne Burgart Goutal publié le 06 mars 2024 4 min

On ne naît pas féministe, on le devient. En tout cas, certaines injustices et autres événements décisifs de la vie, peuvent déclencher une épiphanie très puissante. Dans le cadre de la semaine du 8 mars qui célèbre la Journée internationale des droits des femmes, nous avons demandé à plusieurs philosophes de raconter ce « déclic » à l’origine d’une prise de conscience féministe existentielle et intellectuelle.

Aujourd’hui, nous vous proposons de lire le témoignage de Jeanne Burgart Goutal, philosophe et spécialiste de l’écoféminisme.


 

Le déclic féministe de Jeanne Burgart Goutal est lié à la misogynie crasse de certains philosophes, écrivains ou poètes. C’est à la vingtaine, en découvrant qu’elle n’était pas considérée, en tant que femme, comme un sujet digne de ce nom par certains auteurs, qu’elle a réalisé l’importance de la question féministe. Son travail actuel, centré sur l’écoféminisme, entre en écho avec cette première prise de conscience. Elle a notamment signé l’essai Être écoféministe. Théorie et pratique (L’Échappée, 2020). Elle nous livre aujourd’hui une partie de son cheminement, de l’éducation féministe de sa mère à sa prise de conscience philosophique. Son prochain ouvrage, un roman graphique intitulé Yoga Shalala, illustré par Aurore Chapon (Tana Éditions), paraîtra le 21 mars. 

 

« J’ai été élevée par une mère féministe. J’ai donc entendu parler des inégalités entre les femmes et les hommes dès l’enfance. Je me souviens par exemple qu’il y avait chez moi des petits livres qui déconstruisaient le sexisme de la langue française. J’ai aussi été rapidement au courant des violences faites aux femmes. Ma mère, née dans les années 1940, me racontait des histoires sur sa propre jeunesse : à l’époque de son premier mariage, elle n’avait pas eu le droit d’ouvrir un compte en banque et de signer un contrat de travail sans l’autorisation de son mari. Elle avait également été victime de violences conjugales, elle avait dû aller à la police avec des yeux au beurre noir pour pouvoir demander le divorce.

➤ À lire aussi : “Il a fallu réinitialiser mon cerveau pour appréhender le réel”

Malgré l’éducation féministe que j’ai reçue et le récit du parcours de combattante de ma mère, je suis longtemps restée dans une forme d’aveuglement. Par exemple, à l’adolescence, je suis sortie avec un garçon un peu plus vieux que moi qui voulait passer “aux choses sérieuses”. Je me souviens que mon raisonnement à ce moment-là a été de me dire : “Si je le laisse me toucher, je suis une salope, et si c’est moi qui le touche, c’est encore moi la salope.” Sur le moment, je n’ai pas du tout eu l’idée ou la possibilité d’analyser cette situation en termes féministes et de comprendre que j’étais dans une sorte de double contrainte patriarcale qui faisait de moi une “salope” dans tous les cas. Tout cela montre que j’avais complètement intégré un conditionnement machiste plus fort que le féminisme que j’avais hérité de ma mère. J’avais l’impression de devoir une sorte de loyauté au patriarcat que je voyais comme un ordre doté d’une certaine beauté, d’un côté ancien, traditionnel, s’opposant aux familles modernes décomposées comme la mienne. Cette loyauté patriarcale vient aussi de ma construction psychologique personnelle. Dans les attributions un peu légendaires qui caractérisent les histoires de famille, ma petite sœur était du côté de ma mère tandis que j’étais du côté de mon père (le second mari de ma mère). J’avais donc une sorte de fidélité inconsciente très forte au discours de mon père, qui n’est pas du tout féministe ; je croyais devoir y adhérer pour mériter son affection. C’est aussi cette allégeance au point de vue paternel qui faisait que je prenais moins au sérieux ce que disait ma mère.

J’ai eu une vraie prise de conscience à la vingtaine, lorsque je me suis mise à lire Nietzsche, Maupassant, Rousseau et Baudelaire : des auteurs que j’adorais et auxquels je m’identifiais. Mais j’ai aussi découvert qu’il y avait chez eux des pages d’une misogynie hallucinante. Ces écrits ont créé en moi une contradiction insupportable que j’ai vécue comme une sorte de trahison. J’avais cru que j’étais comme ces auteurs, à savoir un sujet humain qui s’exprime en première personne, à la fois singulier et universel. Mais dans leurs discours, j’étais perçue comme appartenant à une catégorie particulière, “autre”, objectivée et profondément méprisée. C’est à ce moment que j’ai compris que je n’étais pas un homme, dans tous les sens du terme. Je pense qu’il y a là une contradiction que je n’ai pas encore résolue, intrinsèque à la condition féminine : celle d’être à la fois un Homme et une femme : d’être un humain qui n’est pas un homme avec un petit “h”. Heureusement, ce genre de contradictions est très stimulant sur le plan philosophique et théorique. La philosophie et le domaine de l’intellect m’ont ainsi permis de déconstruire le patriarcat dans lequel j’étais affectivement empêtrée. Même si je m’étais juré de ne pas consacrer mes recherches au féminisme, j’ai fini par y plonger : puisqu’apparemment j’étais “une femme”, il me fallait comprendre ce que ça signifiait. J’ai alors découvert l’écoféminisme, un mouvement né dans les années 1970 qui étudie les liens entre capitalisme, patriarcat et colonialisme : cela m’a permis d’intégrer ces questionnements à une réflexion plus large sur notre modèle de civilisation. »

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