Le philosophe au marteau

Victorine de Oliveira publié le 2 min

« En tant que plante, je suis né près d’un cimetière ; en tant qu’être humain, je suis né dans un presbytère », nous révèle Nietzsche, né le 15 octobre 1844 à Röcken (actuelle Saxe-Anhalt), village où son père est pasteur. Ce dernier meurt brutalement en 1849. Après cette tragédie, la famille s’installe dans une ville proche, Naumburg. L’enfant prend des leçons de piano et devient interne en 1858 au Collège royal de Pforta. Déjà, Nietzsche s’y montre au-dessus des autres, par son talent mais aussi son attitude : « Je recherchais la solitude et ne me sentais jamais aussi bien que lorsque je pouvais m’entretenir avec moi-même. » Il lit les romantiques – Goethe, Byron, Schiller, Hölderlin –, mais aussi les classiques – Eschyle et Hésiode. Après 1864, il poursuit des études de philologie à Bonn. Points de rupture : la lecture de Schopenhauer, puis la rencontre avec Wagner. Impossible de ne pas céder à « cette mer schopenhauerienne de sons dont les plus secrètes vagues provoquent un choc que je sens résonner en moi, si bien que mon écoute de la musique wagnérienne est une jubilante intuition, que dis-je ? une bouleversante découverte de moi-même ». Bien que l’université l’ennuie, il accepte un poste de professeur de philologie à Bâle. En 1870, il s’engage dans la guerre menée par la Prusse contre la France en même temps qu’il travaille à La Naissance de la tragédie (1872), qui naît « au milieu du fracas de la bataille ». Le surmenage provoque les premiers sérieux problèmes de santé suivis de voyages thérapeutiques en Italie qui le lieront à jamais à l’esprit méditerranéen. À cette époque, Nietzsche écrit : « Quelle sensation de voir devant soi, comme un joli ballon, gonfler son monde personnel ! C’est tantôt un morceau de métaphysique nouvelle, tantôt une nouvelle esthétique, que je vois grandir. » La suite de son œuvre laisse épanouir cette promesse, malgré une santé toujours plus fragile qui l’oblige à quitter l’université en 1879. Humain trop humain I puis II (1878 et 1886), Aurore (1881), Le Gai Savoir (1882), Ainsi parlait Zarathoustra (1883-1885), Par-delà bien et mal (1886), La Généalogie de la morale (1887)… le rythme de travail effréné assoit la réputation du philosophe « au marteau ». Le 3 janvier 1889, à Turin, on raconte qu’il se serait jeté au cou d’un cheval battu par son maître, sanglotant, puis prostré. La légende de cet effondrement mental marque la fin de l’œuvre philosophique. Nietzsche s’éteint le 25 août 1900.

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