“Mark Rothko” : monde sensuel
La Fondation Louis-Vuitton à Paris met en lumière jusqu'au 2 avril une rétrospective exceptionnelle consacrée à l'artiste américain, dont chaque tableau semble susciter une expérience sensible, sacrée ou profane.
« L’art est donc une généralisation », résume Mark Rothko dans La Réalité de l’artiste, un essai sur sa « philosophie de l’art » édité à titre posthume (Flammarion, 2004). C’est à cette généralisation, qui vaut montée en universalité, qu’introduit l’exceptionnelle rétrospective – par son ampleur et la qualité de sa scénographie – présentée à la Fondation Vuitton. Elle retrace en effet la progression de l’artiste, marquant les étapes qui jalonnent cette quête d’absolu. Elle débute en 1936 avec un autoportrait expressionniste, se poursuit vers 1940 avec des vues du métro new-yorkais, dont les masses brunes, ocre et grises tendent déjà à la plus grande simplicité. Les silhouettes se raidissent, s’allongent et s’effacent. « J’appartiens à une génération qui s’intéressait fortement à la figure humaine et je l’ai étudiée. C’est avec la plus grande réticence que j’ai découvert que celle-ci ne convenait pas à mes besoins. Quiconque l’employait, la mutilait », affirme Rothko. Il abandonne donc la figuration et se met à lire beaucoup, notamment les dramaturges grecs et Nietzsche, qui les commente dans son essai sur La Naissance de la tragédie, où il distingue la mesure apollinienne et l’ardeur dionysiaque. Le peintre semble nourrir les deux forces, et cette pensée tragique l’habite. Elle s’exprime dans l’interprétation surréaliste qu’il donne des mythes, mais, rapidement, les couleurs bleues, roses, vertes, rouges, dissolvent les formes, qui finissent par se structurer en aplats vibrants, aux contours incertains. Pour Rothko, « l’art, comme la philosophie, est donc de son temps ; car les vérités partielles de chaque époque diffèrent de celles des autres, et l’artiste, comme le philosophe, doit constamment ajuster l’éternité, pour ainsi dire, à toutes les spécifications du moment ». Il reconnaît dans la pratique spéculative et esthétique une même visée : toucher une forme de transcendance, ou d’unité, qu’il appelle réalité, et qui se situerait par-delà la subjectivité et l’objectivité. Comment y accède-t-on ? Par la « sensualité » qui est « notre indice de la réalité ». Qu’il réalise des espaces monochromatiques, des « chambres », ou qu’il orne des chapelles, comme à Houston au Texas, Rothko espère susciter des expériences sensibles, profanes ou sacrées. Car « nos notions de la réalité, on le sait maintenant, ne sont que l’archive des degrés relatifs de peine et de plaisir ». Ses dernières œuvres, réalisées dans les années 1960, témoignent de cette croyance sensualiste : la couleur s’absente au profit du noir et d’un pur ravissement par la lumière. Cette aspiration métaphysique inépuisable prend fin avec son suicide, en février 1970.
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