Matière à penser / Février 2015

Martin Legros publié le 5 min

La personnalité

Yoani Sánchez activiste cubaine

« Hier a été une de ces journées que nous imaginions de mille manières, mais jamais comme elle s’est finalement déroulée. […] Sans les voix criant : “¡Viva Cuba Libre!”, sans bouteilles ouvertes pour l’occasion. La vie nous subtilise ce point d’inflexion que nous noterions dans nos agendas pour toujours. » C’est avec beaucoup de prudence mais une joie non dissimulée que s’est exprimée sur son blog, Generacion Y, Yoani Sánchez, 39 ans, journaliste, activiste des droits civils et lauréate en 2008 du prix Ortega y Gasset (qui récompense les meilleurs journalistes hispanophones), au lendemain de l’annonce par le président américain Barack Obama et son homologue cubain Raúl Castro du rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays, ouvrant l’espoir d’une levée de l’embargo qui pèse depuis plus d’un demi-siècle sur l’île. Alors que la droite américaine et certains réfugiés anticastristes dénoncent une capitulation d’Obama, il n’a échappé à personne à Cuba, selon Yoani, qu’en dépit de l’absence de compromis publics, cet accord représente, pour le régime, « une défaite politique ». « Le système cubain s’appuie […] sur l’existence d’un adversaire permanent. David ne peut pas vivre sans Goliath et l’appareil idéologique s’est trop longtemps reposé sur ce conflit. » Philologue de formation, la journaliste est devenue célèbre depuis qu’elle a quitté son exil suisse pour revenir à Cuba partager et braver les interdits du régime, et raconter la vie concrète de ses compatriotes sur un blog souvent censuré. Aujourd’hui, elle considère qu’il faut « profiter de cette alliance pour arracher un engagement public » sur les revendications de la société civile : libération de tous les prisonniers politiques ; ratification des pactes sur les droits politiques, sociaux, culturels ; reconnaissance de la société civile à l’intérieur et à l’extérieur de l’île. « Arracher ces engagements serait comme commencer à démonter le totalitarisme. Alors seulement le jour J serait vraiment arrivé à Cuba. » Le philosophe espagnol José Ortega y Gasset, l’auteur de La Révolte des masses (1929), écrivait : « La vie prend un sens lorsqu’on en fait une aspiration à ne renoncer à rien. »

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