Morales cosmiques

Michel Eltchaninoff publié le 5 min

D’Aristote à Husserl, les visions de l’Univers, selon la place qu’elles accordent à l’homme, ont toujours eu des conséquences éthiques. Panorama.

Aristote et l’éloge de la contingence (384-322 av. J.-C.)

En séparant l’Univers en deux sphères, celle qui unit la Terre à l’atmosphère dans la sphère sublunaire, et celle qui va de la Lune aux limites supposées du cosmos, Aristote a imaginé un ordre hiérarchique. Aux astres qui entourent la Terre, il a donné le privilège de l’éternité, de l’immuabilité et de la nécessité (ils ne peuvent être autrement qu’ils sont). Quant à la Terre, peuplée d’êtres corruptibles, elle n’est que le lieu du changement et de la mort. Mais le règne de la contingence est également une chance pour l’action. Si notre monde n’a pas d’essence fixe, l’homme a le pouvoir de le transformer. Notre indignité ontologique, qui nous place si loin de l’être dans sa plénitude, incarné par les astres, nous invite cependant à la transformation du monde et à l’amélioration de nos rapports à autrui, notamment en politique.

À lire : La Prudence chez Aristote, de Pierre Aubenque (« Quadrige », PUF)

 

Les épicuriens ou la pluralité des mondes (École fondée au IIIe siècle av. J.-C.)

Pour Épicure, qui pense que l’Univers n’est composé que d’atomes et de vide, toutes les combinaisons entre atomes sont possibles et existent. Les mondes sont donc multiples. Nous serions superstitieux, et donc malheureux, si nous imaginions être en tête à tête avec des dieux protecteurs ou vengeurs. Cette pluralité cosmologique nous permet de créer des mondes qui nous sont propres. Qu’est-ce que le Jardin d’Épicure si ce n’est un monde possible réalisé, un monde régi par l’amitié et l’égalité entre hommes et femmes, citoyens et esclaves. Dans ce monde à part, assouvir des désirs naturels, c’est-à-dire compenser des déséquilibres atomiques, suffit pour être heureux.

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