Nouvel an chinois : les vertus du lapin

Les festivités du nouvel an chinois battent leur plein. Dans l’Empire du milieu, l’année qui s’ouvre est celle du lapin (ou du lièvre, selon les versions). Un animal qui ne possède pas exactement les mêmes significations symboliques qu’en Occident !

Sacrifice

Difficile de résumer les significations multiples du lapin (ou lièvre) dans la culture chinoise. De nombreuses légendes existent à son sujet. Jacqueline Kelen, dans son livre Divine Blessure (2009) évoque ainsi « le lapin qui, constatant que le Bouddha n’avait rien à manger, sauta tout vif dans le feu afin de s’offrir en nourriture. La légende ajoute que ce sacrifice valut au lapin de figurer dans le calendrier chinois parmi les douze animaux. »

Fertilité

L’image morbide du sacrifice coexiste avec les nombreuses images de vitalité associées au lapin, « symbole de longévité » – il est réputé vivre mille ans. Animal associé à la Lune, aux cycles lunaires – en particulier menstruels –, il est très nettement lié à la force féminine du Yin, et à la fécondité printanière. « D’après de nombreux textes », ajoute le sociologue et sinologue américain Wolfram Eberhard dans A Dictionary of Chinese Symbols (1989, non traduit), « il n’y a pas de lièvres mâles, les hases tombent enceintes en léchant de jeunes pousses végétales ; pour donner naissance, elles crachent le petit par la bouche. »

Pour rester dans l’univers de la fécondité, le lièvre est également, relève Jean-Michel de Kermadec dans Les Piliers du destin (2018), « considéré comme le protecteur des amoureux, peut-être un peu trop, car il en a acquis une mauvaise réputation, et le pauvre lapin est devenu, en Chine, le symbole d’un coureur aux mœurs des plus légères ». Au point que l’expression « chasser le lièvre » en soit venue à signifier « aller au bordel ». Pas si éloigné du « chaud lapin » français. Les imaginaires, ici, convergent, comme le remarque Alexandre Cailler dans Vos Rêves en clair (1991) : « Procréateurs rapides et prolifiques, ils symbolisent plus la quantité que la qualité, la pluralité que l’unicité. Tout ce qui est lié à l’abondance implique également en soi des embryons de stupre, d’incontinence, de gaspillage : c’est le côté néfaste de leur symbole (dans le Deutéronome et le Lévitique, ainsi que dans les pays Baltes, dans toute l’Asie et la Chine, le lièvre est soumis à de sévères interdits). »

Sagesse

L’image du lièvre dans la culture chinoise a cependant d’autres facettes. Souvent représenté « en train de fabriquer avec un pilon dans un mortier des philtres magiques » (Jean-Michel de Kermadec), il est un « alchimiste distingué », familier du secret des humeurs et des désirs. Plus globalement, le lapin est investi d’une aura de sagesse et d’intelligence, qui tranche par rapport aux représentations occidentales qui en font un animal un peu sot, nigaud, benêt, voire franchement crétin.

Le lapin, vu de Chine, est « vertueux et prudent ». Cette prudence est la face positive de ce que les Occidentaux perçoivent, négativement, comme une crainte maladive : « La poltronnerie du lièvre, légendaire chez nous, ne semble pas avoir impressionné les Chinois, qui y voient surtout une preuve de sagesse et de prudence au point qu’il est parfois donné en exemple aux militaires. Un général en chef ne craignait pas de donner l’espace du lièvre en modèle à ses subordonnés : “Imitez sa prudence, leur disait-il, un lièvre a toujours trois issues à son terrier. Si vous n’en avez qu’une, comme pouvez-vous dormir en paix ?”. »

Inconstance

Associé à l’élément « bois », aux chiffres 3, 6 et 9, et au printemps, le lièvre possède, en Chine, sous ses airs débonnaires, une « forte personnalité » qui vire parfois à l’orgueil égotique. Ce qui ne l’empêche pas, par ailleurs, d’avoir du mal à prendre des décisions et à s’y tenir. Le lièvre hésite. Il n’est pas fait pour la constance. Pourtant, attaché au calme, à la discrétion et au confort simple, il est souvent hostile aux changements qui le contraignent, de l’extérieur, à s’adapter. Que nous réservera une année placée sous son signe ? Réponse dans un an !