Anne Cheng : “La Chine aurait tout à gagner à se libérer de son obsession pour le concept de civilisation”
La Chine, une civilisation vieille de 5 000 ans ? Oui… si l’on en croit le discours du parti communiste chinois, qui entend bien instiller l’idée d’une histoire continue et sans rupture. Et tous les moyens sont bons pour entériner le mythe de la puissance éternelle. Mais pour la sinologue Anne Cheng, cette démarche devient obsession délétère.
Se présenter comme une civilisation n’est pas anodin, remarque Anne Cheng : cela revient toujours à vouloir se distinguer des autres. Le terme de « civilisation » n’est donc jamais neutre. Bien consciente du fait que la civilisation et l’ancienneté sont des gages de puissance, la Chine n’hésite pas à réécrire l’histoire pour atteindre ce but. Ainsi en 2001, le gouvernement a lancé le « projet d’exploration des origines de la civilisation chinoise », qui se donne pour objectif de découvrir le fonctionnement des sociétés antiques chinoises. Les archéologues se sont concentrés sur la culture d’Èrlǐtóu (二里頭) datant du début de l’âge de bronze en Chine et particulièrement connue pour ses objets en bronze et en céramique fabriqués avec une grande minutie. Ils ont assuré que la culture d’Èrlǐtóu remontait en réalité à la dynastie Xià, considérée comme la première des dynasties chinoises (2070 av. J.-C.).
Seule ombre au tableau : « La dynastie Xià a toujours été considérée comme un mythe », rappelle Cheng. Le but est clair : « Il s’agit de donner à cette dynastie une existence historique. En faisant le raccord entre la culture d’Èrlǐtóu et la dynastie Xià, on s’assure de créer un lien entre la culture matérielle et les pratiques des élites des dynasties suivantes », poursuit-elle. Cet acharnement à tisser des liens, fussent-ils imaginaires, entre les différentes époques de l’histoire de la Chine, trahit une obsession pour la continuité.
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