Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

François Cheng en 2017 © Serge Picard 

François Cheng : “Je ne suis pas un sage”

François Cheng, propos recueillis par Catherine Portevin publié le 05 juillet 2017 15 min

Son livre lyrique, “De l’âme”, a été l’un des best-sellers de l’année. Mais, à 88 ans, l’académicien reste un être tourmenté, lui qui a connu les blessures de l’histoire. De la calligraphie au Christ, en passant par le Tao, Lacan et son culte de la langue française, François Cheng se dévoile ici, d’un trait.

L’appartement est minuscule, mais la lumière est vaste, qui ouvre sur le ciel et le grand tilleul en face. Le poète nous accueille à la porte, impeccable d’élégance et rosette d’Académicien à la boutonnière. On le présente en vieux sage chinois ou en saint laïc, mais ce qui frappe d’abord chez François Cheng, c’est son regard inquiet d’écorché vif, qui peut passer en un instant des larmes à l’éclair de malice, de la douleur à la joie pure, de la crainte à la gourmandise. Il dit : « Je suis un miraculé de la vie. »

Né à Nanchang en 1929, il vit, enfant, les horreurs de la guerre sino-japonaise et celles de la guerre civile chinoise, qui lui donnent jusqu’à aujourd’hui le sentiment d’une vie précaire. Il n’a pas 20 ans lorsqu’il se retrouve seul à Paris – sa famille s’est exilée aux États-Unis, lui veut rester, déjà fasciné par la France, même s’il ne parle pas un mot de français.

Le chemin linguistique de François Cheng, avec le trait de la calligraphie, les signes chinois et les sonorités du français, raconte une part essentielle de son être. Dans les années 1960, cet itinéraire prend forme et sens grâce à des rencontres décisives. Le philosophe Gaston Berger, audacieux inventeur des sciences prospectives, le fait entrer à l’École pratique des hautes études. Les travaux de sinologue de François Cheng intéressent vite les grands noms du structuralisme et de la linguistique : Roman Jakobson, Roland Barthes, Algirdas Julien Greimas, Claude Lévi-Strauss, Julia Kristeva, Jacques Lacan… Entretenant un dialogue perpétuel, et d’abord en lui-même, entre sa culture chinoise et sa culture d’adoption, on lui doit plusieurs traductions et anthologies de la poésie chinoise et d’extraordinaires livres de calligraphie (Et le souffle devient signe) et des ouvrages sur la peinture (Vide et Plein). Dans ses essais philosophiques sur la Beauté, la Mort et plus récemment l’Âme, la voie du Tao se mêle à la voie christique chez celui qui s’est choisi le prénom de saint François d’Assise. Disons-le : ces accents chrétiens, mêlés à ceux du romantisme de Hölderlin et de l’immanence zen, nous intriguaient. Pour la première fois, du moins publiquement, François Cheng éclaire ici la nature de sa relation avec le christianisme.

Bientôt nonagénaire, il semble contempler la vie comme une éternité toujours en devenir…

 

François Cheng en 8 dates

  • 1929 Naissance en Chine, à Nanchang, dans la province du Jiangxi
  • 1948 Arrivée à Paris, à Noël
  • 1971 Naturalisation française
  • 1974 Professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) jusqu’à sa retraite
  • 1977 Publication au Seuil de son premier essai, L’Écriture poétique chinoise
  • 1989 Premier recueil de poèmes en français, De l’arbre et du rocher
  • 1998 Le Dit de Tianyi, son premier roman, obtient le prix Femina
  • 2002 Élection à l’Académie française

Vous arrivez à Paris fin 1948, vous ne publiez votre premier livre en français que presque trente ans plus tard. Vous dites pourtant être entré « irrésistiblement » dans la langue française. Qu’avait-elle d’irrésistible ?

François Cheng : Mon père, qui était un spécialiste des sciences de l’éducation, avait participé à la fondation de l’Unesco à Paris, et nous l’avons suivi. Mais lorsque, deux ans plus tard, ma famille a émigré aux États-Unis du fait de la guerre civile chinoise, j’ai voulu rester en France. J’avais 20 ans et ne connaissais pas un mot de français. Si j’ai mis près de trente ans à l’assimiler, cela montre que je n’ai pas spécialement le don des langues ! En revanche, je m’étais pris de passion pour cette langue d’adoption. J’étais fasciné par son génie propre. Très tôt, j’ai ressenti vivement l’essence du français. Je lisais Montaigne, Racine, La Fontaine, Voltaire, ainsi que tous les grands qui sont venus après eux ; je savais y reconnaître le beau langage même si j’étais incapable de l’atteindre moi-même. Ce fut pour moi une longue traversée du désert, où je me sentais en quelque sorte privé de langue. Vers la fin des années 1970, je commençais à ne rêver qu’en français. J’avais alors 50 ans. Ma lente entrée dans ma vérité, ou dans la vérité de la vie en général, a donc coïncidé avec cette lente entrée dans la langue française, à tel point que je puis dire que celle-ci est devenue la langue de ma vérité.

 

Durant cette « traversée du désert », quel rôle a joué pour vous l’art de la calligraphie, dans lequel vous êtes maître ? La calligraphie, est-ce écrire ou s’agit-il de tout autre chose ?

La calligraphie m’a sauvé à plusieurs périodes de ma vie, même si elle est associée à des souvenirs douloureux pendant mon enfance et mon adolescence. Durant les longs jours de vacances d’été, mon père, calligraphe reconnu, imposa à mes frères et moi d’interminables séances d’apprentissage. Cependant, lorsque, à 15 ans, en pleine guerre, l’irrépressible désir d’écrire s’empara de moi, je me demandais : en ai-je les moyens ? Ai-je vraiment quelque chose d’unique à dire ? Aurai-je assez de temps alors que notre vie ne tient qu’à un fil ? C’est alors que la calligraphie venait m’assurer que, quoi qu’il arrive, j’aurais laissé une trace de mon être en tant que signe. Plus tard, durant cette traversée du désert en France, la calligraphie jouera le même rôle : véritablement une forme de salut.

Expresso : les parcours interactifs
Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
4 min
Shi Tao et François Cheng. Le souffle du pinceau
Barbara Bohac 12 septembre 2012

Auteur d’essais sur la pensée chinoise, François Cheng souligne l’importance du Vide dans la peinture de Shi Tao (1642-1707). Principe actif, le Vide assure la circulation des souffles vitaux.


Article
4 min
Anne Cheng : “La Chine aurait tout à gagner à se libérer de son obsession pour le concept de civilisation”
Océane Gustave 28 juin 2021

La Chine, une civilisation vieille de 5 000 ans ? Oui… si l’on en croit le discours du parti communiste chinois, qui entend bien…

Anne Cheng : “La Chine aurait tout à gagner à se libérer de son obsession pour le concept de civilisation”

Article
4 min
Stoïcisme et taoïsme
Octave Larmagnac-Matheron 19 février 2023

Beaucoup de choses apparentent le taoïsme au stoïcisme. Seul les distingue le rapport, décisif, à l’individualité. Là où les stoïciens visent à l’appropriation de soi par l’exercice de la raison, le taoïsme tend à la dépossession de soi…


Entretien
10 min
François Jullien : “La Chine est un dépaysement de l’esprit”
Nicolas Truong 27 septembre 2006

François Jullien a appris le chinois pour mieux lire le grec et éclairer ainsi la philosophie européenne du dehors. Ses allers-retours entre l…

François Jullien : “La Chine est un dépaysement de l’esprit”

Article
7 min
François Bougon : “La Chine, ce n’est pas l’art de la guerre, c’est l’art de la contradiction”
Samuel Lacroix 24 mars 2022

Allié majeur de la Russie, la Chine adopte, depuis le début de l’invasion ukrainienne, une position ambiguë. Fidèle à son partenariat fort avec…

François Bougon : “La Chine, ce n’est pas l’art de la guerre, c’est l’art de la contradiction”

Dialogue
12 min
Christophe Dominici-Catherine Kintzler. Une philosophie du contact
Julien Charnay 22 août 2007

À la veille de la Coupe du monde de rugby, qui a lieu du 7 septembre au 20 octobre, Catherine Kintzler, philosophe fan de ballon ovale, a…

Christophe Dominici-Catherine Kintzler. Une philosophie du contact

Article
8 min
Alexis Lavis : “En Chine, la discipline ne se relâche pas”
Martin Duru 21 avril 2020

Professeur de philosophie à Pékin, Alexis Lavis a vécu le développement de l’épidémie entre Chine et France. Il nous raconte son expérience, son…

Alexis Lavis : “En Chine, la discipline ne se relâche pas”

Article
13 min
Les trois piliers de l’empire du Milieu
Vincent Goosaert 20 septembre 2012

Ni religions ni philosophies, bouddhisme, taoïsme et confucianisme sont pourtant les trois grandes traditions spirituelles chinoises. Vincent Goossaert, docteur en sciences religieuses, dessine les usages des deux premiers enseignements…


Article issu du magazine n°111 juillet 2017 Lire en ligne
À Lire aussi
Anne Cheng : “La Chine est-elle vraiment une civilisation ?”
Anne Cheng : “La Chine est-elle vraiment une civilisation ?”
Par Océane Gustave
juin 2021
Mission impensable. Jacques Lacan
Par André Budenaerts
avril 2016
Alain Badiou, Élisabeth Roudinesco. Choisis ton Lacan!
Alain Badiou, Élisabeth Roudinesco. Choisis ton Lacan!
Par Martin Duru
août 2011
  1. Accueil-Le Fil
  2. Entretiens
  3. François Cheng : “Je ne suis pas un sage”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse