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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Pascal Dusapin compositeur de musique contemporaine dans son bureau a Paris. ©Jean Paul Guilloteau/Réa

Musique

Pascal Dusapin : “Quand on aime la musique, on se retrouve très vite avec les anges”

Pascal Dusapin, propos recueillis par Frédéric Manzini publié le 01 décembre 2023 16 min

Le plus grand compositeur français contemporain, Pascal Dusapin, nous a reçu dans son atelier parisien. Alors qu’il travaille actuellement sur un opéra consacré à Antigone de Sophocle, dans la version de Hölderlin qui lui a été offerte en 1999 par Philippe Lacoue-Labarthe, il s’est entretenu avec nous de son rapport avec la philosophie, de la création et de son destin d’artiste.


 

Quel rapport entretenez-vous avec les philosophes ?

Pascal Dusapin : Je vais vous décevoir : je suis un lecteur de philosophie, mais plus à la manière d’un butineur, c’est-à-dire que je ne me place jamais du point de vue du philosophe lui-même. Et je peux aimer des philosophes tout à fait antinomiques. J’aime bien aller chercher une chose à gauche et une chose à droite (et quand je dis cela, je ne parle pas de politique). De la même manière que je peux aimer des compositeurs qui ne sont pas nécessairement amis stylistiquement parlant comme Schönberg et Gershwin, ou John Adams et Pierre Boulez. Mais je lis surtout les philosophes de manière poétique, et j’aime beaucoup me laisser glisser : je suis amateur de textes de maître Eckhart, de Nicolas de Cues, d’Angelus Silesius, de ces penseurs mystiques et parfois hérétiques.

 

Vous avez récemment déclaré que votre personnage historique préféré était Spinoza... Pourquoi ?

Parce que j’éprouve un sentiment de liberté avec lui. Et un sentiment de fluidité. J’ai l’impression de ne jamais être pris dans des rets « conséquentiels » comme cela peut arriver parfois dans la philosophie. Son Éthique m’accompagne régulièrement et j’aime la manière dont il y démonte les choses, puis repose les questions, et les questions dans les questions. Un travail de décomposition et de recomposition en quelque sorte : très modestement – et sans me prendre pour Spinoza ! – j’ai l’impression que c’est proche de la façon dont je peux procéder quand je compose, en trouvant des associations. Et il m’intéresse sur la question spirituelle également. Il pose la question de Dieu mais en même temps il doute profondément : il semble finalement très en paix sur la question spirituelle si – en tout cas c’est la lecture que j’en fais – c’est bien ce dont il traite.

“Vous savez bien qu’on ne dit jamais la vérité” Pascal Dusapin

 

Vous appréciez ce rapport libre à la spiritualité ?

Oui. Je n’ai pas du tout d’éducation religieuse : j’ai grandi en Lorraine en en étant dispensé, ce qui n’était quand même pas rien dans le contexte des années 1960. À l’internat, je n’allais ni à la messe ni aux offices, et dans un lycée de 2000 élèves, nous n’étions peut-être qu’une quinzaine dans ce cas-là, dont mon frère et moi. Mais comme, en même temps, j’étudiais l’orgue, j’étais tout le temps dans les églises.

 

Cette éducation religieuse vous a manqué ?

Non, je ne peux pas dire cela. Surtout que j’ai vécu ce rapport à la religion comme une résonance de mon activité musicale. Or la musique, et surtout cet instrument particulier qu’est l’orgue, nous place d’emblée avec Bach et avec la question de Dieu. Je suis confronté en permanence à la question de la spiritualité avec la musique. C’est quand même extraordinaire : la musique est le seul art qui n’a aucune existence physique sauf une certaine vibration de l’air. Quand on fait de la musique ou seulement quand on aime la musique, on se retrouve très vite avec les anges, en quelque sorte. Et il faut résoudre ce paradoxe-là profondément. Et puis on le sait en travaillant avec les musiciens, en les voyant travailler entre eux, il y a une sorte d’« idée de »…

“Je suis confronté en permanence à la question de la spiritualité avec la musique. C’est extraordinaire : la musique est le seul art qui n’a aucune existence physique sauf une certaine vibration de l’air” Pascal Dusapin

 

Un rapport problématique avec Dieu ?

Un mot me vient, qui n’est d’ailleurs pas un mot à proprement parler mais que j’invente : il y a un « undit ». Ce n’est pas un non-dit. On touche quelque chose qui a à voir avec une représentation qui n’est pas « déique » mais qui est cependant très élevée. Avec une action sur ses propres passions, sur ses affects, qui est à la fois très rapide et incompréhensible. Est-ce qu’on peut éprouver ce sentiment dans les autres arts, la peinture par exemple ? Peut-être. Mais la musique, elle, n’a même pas de direction.

 

Vous avez composé à partir de textes philosophiques, notamment Nietzsche – mais pas le Nietzsche prophétique d’Ainsi parlait Zarathoustra, qui a pourtant inspiré d’autres compositeurs.

J’ai fait en effet, il y a quelques années de cela, le cycle O Mensch à partir de ses poèmes. Son Zarathoustra m’avait presque rebuté ; peut-être devrais-je le relire, mais dans ses poèmes, il semble plus libre. D’ailleurs Nietzsche a-t-il jamais fait autre chose de la poésie ? Son mode d’écriture, avec ses aphorismes, est poétique, au sens où la poésie peut se glisser partout – un peu comme la musique de chambre dans les symphonies de Mahler. La poésie se confuse avec la philosophie, avec des choses à la fois simples et profondes. Et je me suis beaucoup attaché à la question de l’errance, au Wanderer, à l’homme qui marche (ayant moi-même un rapport erratique à la philosophie). Et en même temps, Nietzsche ne s’embarrasse pas, ce qui était très agréable pour le jeune homme que j’étais. Je pense surtout au Gai Savoir, que j’ai beaucoup lu. Dans la préface, il revendique être léger, fluide et superficiel, et ajoute « mais dans la profondeur ». J’ai toujours pensé que c’était l’attitude juste à adopter avec le monde, et j’en ai fait une sorte de credo personnel. Je fais d’ailleurs beaucoup d’efforts pour paraître léger, fluide et superficiel, même si ce n’est pas toujours réussi.
 

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