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Pascal Quignard et Yannick Haenel.  © Bruno Levy/divergence-images. © Joël Saget/AFP


 

Dialogue

Pascal Quignard-Yannick Haenel. Conversation sur l’extase sexuelle

Pascal Quignard, Yannick Haenel, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 15 février 2024 9 min

L’un vient de publier Compléments à la théorie sexuelle et sur l’amour, l’autre un essai sur le peintre Francis Bacon où il est beaucoup question d’érotisme. Pascal Quignard et Yannick Haenel se sont retrouvés pour tenter de cerner une dimension de la vie sexuelle peu explorée aujourd’hui : l’extase.

 

Le rouge est traditionnellement la couleur du désir. Et pourtant, ne serait-il pas possible de le voir bleu, comme vous le suggérez Yannick Haenel ?

Yannick Haenel : J’ai eu la chance d’être seul pendant une nuit avec quarante-deux tableaux de Francis Bacon, et plutôt que le rouge fulgurant du désir, voire de la passion, c’est un étrange bleu qui m’est apparu au fil des heures. Les toiles se sont mises à rayonner de cette couleur intérieure. Notamment Les Lutteurs, un tableau de 1953, qui représente deux hommes faisant l’amour, un sujet très audacieux pour l’époque au Royaume-Uni. J’ai été saisi par la ligne parcourant le dos de l’homme du dessus. On dirait le blanc-bleu d’un glacier ou un profil de montagne d’une délicatesse inouïe, contrastant avec la brutalité de l’empoignade. En m’approchant et en m’éclairant avec une lampe de poche, j’ai vu une tache bleue à l’endroit où leurs corps s’emboîtent. Et je me suis dit que le bleu était la couleur du sexe en peinture, c’est-à-dire un irreprésentable, parce que je ne sais pas comment il est possible de tenir cette scène-là dans un cadre. 

 

Pascal Quignard : Autrefois, en Grèce, à la Renaissance, les nuits étaient bleues. La tumescence elle-même est une coloration progressive qui ne tend pas toujours vers le rouge et qui peut être perçue comme bleue. Il y a quelque chose de l’ordre de la coloration florale qui persiste – une teinte qui, du reste, va des fleurs au sexe, et demeure à la fois physique et vivante. Vous parliez d’irreprésentable… Je crois qu’il y a pour nous une difficulté à penser que nous ne naissons pas de nous-mêmes mais d’autres êtres qui se sont rencontrés lors d’une scène sexuelle. Que nous surgissons du sexe d’une femme. Que nous sommes le produit d’une rencontre contingente. Cela fait une belle différence avec les fleurs et les arbres, et parmi les animaux nous sommes les seuls à établir un lien entre la naissance et la copulation. Or ce lien-là nous gêne. L’effroi, c’est ce qui sort du calme, de la paix. La vision de notre naissance sort du calme et de la paix, de la correction, de la norme symbolique. Je pense que le désir naît de l’effroi mais non de l’angoisse. Il ne devient angoisse que si nous n’avons pas le courage de l’affronter et d’être débordé par lui, comme vous venez de le dire. 

 

Pascal Quignard, vous écrivez : « Le coït est cette étrange danse brusque, chevauchante, à cru, saccadée, hétérosexuée, qui nous figura. » Cela ne laisse-t-il pas de côté l’homosexualité ? Quel statut accordez-vous au coït entre hommes que montre Les Lutteurs ?

P. Q. : La théorie psychanalytique soulève le thème, très profond mais peu moderne, de la différence sexuelle. Nous sommes là devant un mystère : comment se fait-il que la vie n’ait pas procédé par division cellulaire, par réplication toute bête, ni même comme le font les étoiles ou les planètes, par antagonisme soudain, par concrétion ? Pourquoi a-t-elle pris cette voie tellement aléatoire et compliquée que les biologistes ne comprennent toujours pas aujourd’hui, de la sexuation ? La sexuation permet de faire intervenir de l’autre et d’échapper ainsi à la réplication du même. La psychanalyse nous enseigne que dans la sexualité, il y a toujours de l’autre qui traîne. Notez que cela n’exclut pas l’homosexualité et vaut quand les deux partenaires sont de sexe semblable. Même dans la masturbation s’immisce une distance entre soi et soi-même, une espèce d’étonnement ou de répulsion ! Sigmund Freud prétendait que l’analyse est terminée le jour où l’on peut se masturber sans angoisse… 

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