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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Paul B. Preciado. © Pierre et Gilles via les Éditions Grasset

Entretien

Paul B. Preciado : “Je rêve d’une alliance de corps en survie contre la norme”

Paul B. Preciado, propos recueillis par Jean-Marie Durand publié le 07 décembre 2022 13 min

Le philosophe, à partir des pratiques écologistes, trans, féministes, anti-racistes, anti-capitalistes, entend révolutionner le monde. Son nouvel essai, Dysphoria mundi (Grasset), est le manifeste de ce projet pour « reconquérir notre fonction désirante ». Paul B. Preciado explique sa démarche.


Se définissant comme un « sujet mutant », désirant vivre en dehors des prescriptions binaires de la société, le philosophe trans Paul B. Preciado élargit dans son imposant essai, Dysphoria mundi, écrit durant le confinement, la notion de dysphorie de genre à l’ensemble des pratiques sociales dissidentes. Cartographiant les mouvements actuels d’émancipation – écologistes, féministes, trans, anticapitalistes, antiracistes… –, le philosophe défend l’idée que les états qualifiés de dysphoriques ne sont pas des pathologies psychiatriques mais des formes de vie préfigurant un nouveau régime de connaissance. L’auteur, très lu et écouté parmi les jeunes lecteurs dans le monde entier, propose un « cahier de philosophie documentaire », entre journal intime et réflexion politique, qui appelle à tout changer dans nos manières de vivre, de penser et d’aimer.

 

Vous utilisez le terme de « dysphorie », venu de la médecine et désignant un sentiment d’inconfort et de mécontentement, pour caractériser notre monde contemporain dans son ensemble. Pourquoi ?

Paul B. Preciado : Je travaille depuis longtemps sur la critique du discours médical. La question pharmacologique traverse ma vie et la vie de ceux qui m’entourent. J’ai été ainsi diagnostiqué dysphorique et autiste, même si je mets en cause ces deux diagnostics. Or ce lieu d’énonciation me semble très important. Ceux qui ont été considérés comme incapables de parler et de connaître doivent prendre la parole. Quelle est donc la parole produite par cet espace apparent de non-savoir, de non-rationalité ? Ce lieu m’intéresse, comme un lieu de pensée, comme un lieu philosophique. J’ai beaucoup discuté avec Judith Butler tout au long de la rédaction de ce texte. Comme elle, je ne voulais pas me placer du côté des politiques d’identité. Je ne voulais vraiment pas tenir un discours sur « nous, les trans », mais traverser un espace, politiquement essentiel, mais non cartographié. À l’image de l’hystérie au XIXe siècle ou de la schizophrénie dans les années 1950 analysée par Deleuze et Guattari. J’ai réalisé, au-delà de mon cas personnel, que tout était dysphorique aujourd’hui. Partout. La dysphorie sociale, la dysphorie alimentaire, la dysphorie de genre, la dysphorie sexuelle… Il existe une prolifération de cette notion qui se déverse. J’ai mesuré un moment de bascule épistémique. Et j’ai pensé, le plus humblement possible, que je pouvais comme Deleuze et Guattari l’ont fait avec la schizophrénie, travailler sur la dysphorie, ce trouble qui est partout. J’ai voulu me saisir de ce non-lieu, de cette non-parole, de ce non-savoir pour commencer à parler. 

“Le pouvoir s’adresse à vos corps, après avoir menacé les nôtres”
Paul B. Preciado

 

L’écriture de ce livre est née dans un contexte particulier. Vous pensez « avec le virus ». En quoi la crise du Covid annonce-t-elle, selon vous, le « début de la fin du réalisme capitaliste » ?

Je parle d’une « hypothèse révolution », c’est à dire d’une élaboration de conditions d’émergence d’une transformation collective. La crise du Covid et le confinement ont été majeurs dans ce processus révolutionnaire. Il faut saisir les conditions d’une transformation politique, même au pire moment. L’optimisme est la seule possibilité de vie. J’ai voulu m’obstiner à percevoir une architecture épistémique, prêter attention aux lieux dans lesquels la taxinomie de la modernité capitalo-patriarcale craque. Et enfoncer le clou là où ça craque. Aller encore plus loin là où ça craque. On était tous d’accord pour reconnaître, avec des philosophes comme feu Bruno Latour, Judith Butler, Wendy Brown et d’autres, que ce qui se passait durant le confinement nous obligeait en tant que philosophes à penser une bascule. Notre responsabilité en tant que philosophes, c’était de reconnaître que l’architecture épistémique que l’on avait apprises toute notre vie s’écroulait là, sous nos yeux. Même si j’ai été très malade, j’ai eu une vraie euphorie d’écriture. C’est mon premier livre qui n’est pas écrit pour les minorités sexuelles et de genre, mais pour tout le monde. Les savoirs, les grammaires politiques inventées dans des espaces minoritaires, antiracistes, anticapitalistes, trans… semblaient concerner peu de gens jusqu’ici. Or ces savoirs sont au centre aujourd’hui.

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