2_La peur, une intime

Paul-Laurent Assoun. « L’angoisse dit vrai »

Philippe Nassif publié le 5 min

Pour la psychanalyse, rappelle Paul-Laurent Assoun, l’angoisse est toujours liée à notre désir. C’est donc par elle que se déclenche notre subjectivité – si l’on sait la déchiffrer.

 

Philosophie magazine : En faisant de l’angoisse le « phénomène principal » de la névrose, Freud ne nous invite-t-il pas à examiner la tonalité inconsciente de nos peurs ?

Paul-Laurent Assoun : Oui. La peur est une réaction émotionnelle face à un danger extérieur. À l’inverse, l’angoisse est une réaction face à un danger qui vient de l’intérieur : de nos pulsions. Elle n’a pas d’objet, dit Freud, et c’est précisément ça qui est angoissant. Car, face à la peur, on peut toujours fuir. Mais on ne peut pas fuir notre angoisse, pas plus qu’on ne peut fuir nos pulsions psychosexuelles. La grande découverte de Freud, c’est : là où je désire, j’angoisse. Voilà pourquoi il considère l’angoisse comme l’affect des affects qui « ne ment pas », dira Lacan. Celui-ci va montrer par la suite que l’angoisse, à l’instar de la peur, a bien un objet, même si impalpable, c’est l’objet cause de mon désir inconscient. Un objet qui m’est extrêmement proche et en même temps terriblement extérieur.

 

Mais qu’est-ce qui, dans la pulsion, menace le sujet ?

Tout se passe comme si le moi était pris en sandwich entre une montée de la pulsion depuis le ça et la menace de castration qui vient du surmoi. La castration, c’est quoi ? C’est, pour le dire simplement, un « non ! » adressé par le père à l’enfant pour l’arracher à la jouissance de la mère, et l’introduire au désir et au langage. Pour Freud, en dernière instance, ce n’est pas de sa mort biologique que l’homme a peur mais de cette « première mort » traumatique qu’est la séparation d’avec la mère, précurseur de la castration. Car personne n’a l’expérience de sa propre mort. Par contre, la castration nous l’avons tous vécue par l’angoisse. C’est souvent à ce moment-là que l’enfant développe des phobies.

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