Au bistrot

Guillaume Le Blanc. Dans les marges

Juliette Cerf publié le 4 min

Guillaume Le Blanc interroge l’usage de soi fait dans les normes. Héritier de Georges Canguilhem et de Michel Foucault, il s’intéresse aux subjectivités déclassées, aux sans-voix, aux malades, aux précaires. Pour lui, la philosophie circule vers un « dehors ».

« Une cravate n’est pas plus normale qu’un piercing, et ceci dans les deux sens. Il n’y pas d’un côté une soumission à un code vestimentaire et de l’autre côté une exaltation du corps sauvage. » L’homme, visiblement, ne porte ni l’une ni l’autre de ces décorations. Ni soumis ni sauvage. Dans la réciprocité de cette affirmation, cravate égalant piercing, se loge pourtant la clé de voûte de la pensée de Guillaume Le Blanc. Une pensée traversée de part en part par une réflexion sur les normes, qui a fait de sa méfiance viscérale envers « toute volonté de purifier la philosophie de ses éléments vitaux » son credo. Auteur de la première thèse française sur Georges Canguilhem, La Vie humaine. Anthropologie et biologie chez Georges Canguilhem, ce philosophe né en 1966 est sensible aux allures de vie singulières, anonymes, minuscules, vagabondes. La vision extraordinaire d’une philosophie « édifiante », pétrie dans le « sublime conceptuel », Guillaume Le Blanc la rejette pour ancrer sa discipline dans l’ordinaire.

« Je cherche à philosopher d’après l’expérience et à donner à la pensée une prise d’intervention sur le réel », explique-t-il, se disant ainsi « empiriste ». Cette vie ordinaire est créatrice, inventive : elle ne cesse de créer des normes et de les détourner. Des normes ? Des régularités vitales (des règles d’usage du corps) ou sociales (des règles de comportement). S’il y a des normes majoritaires et des normes minoritaires, aucune n’est plus normale qu’une autre. Ce qui compte, c’est l’usage de soi qui est fait dans la fréquence de tels comportements, avec une préférence avérée pour les mille et un écarts, résistances, « petites rébellions » faisant craquer ces normes stabilisées. L’originalité de cette réflexion consiste donc à questionner la normalité, à la mettre en crise sans la toiser, en se situant en son sein, dans l’articulation qu’elle féconde entre vital et social.

Expresso : les parcours interactifs
Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
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