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Manifestation féministe du 8 mars 2023 à Paris. © Fiora Garenzi/Hans Lucas/AFP

Quand c’est gratuit, c’est toi qui produis

Victorine de Oliveira publié le 08 novembre 2023 3 min

« Comme si l’actualité, avec ses guerres, ses tempêtes et son nouvel album franchement poussif des Rolling Stones ne suffisait pas, j’ai entamé la semaine avec une nouvelle moyennement réjouissante, de celle qui vous encourage à rester sous la couette jusqu’au printemps prochain – ou jusqu’à une véritable révolution. Depuis lundi 11h25, comme toutes les femmes, je travaille apparemment gratuitement, et ceci jusqu’à la fin de l’année, selon la newsletter Les Glorieuses. Mais le travail gratuit peut-il encore être qualifié de travail ?

Cela fait désormais huit ans que le collectif Les Glorieuses, mené par la docteur en économie Rebecca Amsellem, calcule la date symbolique à partir de laquelle les femmes, en raison des inégalités salariales toujours persistantes en France, cessent de percevoir une rémunération pour leur travail. La première ministre Élisabeth Borne a repris l’information dans un tweet posté le 6 novembre à 11h25 précises. Si l’on peut sans doute contester la méthode de calcul, l’Insee n’en continue pas moins de pointer les inégalités salariales entre femmes et hommes, l’écart étant de 4% en faveur de ces derniers dans le secteur privé, à temps de travail et postes comparables.

Avouez que la nouvelle donne envie d’écrire sa lettre de démission. Ou d’ironiser sur le fait que les femmes passent déjà une bonne partie de leur temps en travail gratuit. Cette dernière notion est en effet née dans les années 1970, alors que les luttes féministes se concentrent notamment sur l’invisibilisation du “travail domestique”. Si les femmes accèdent désormais à des postes à responsabilité, elles rentrent chez elles pour entamer une deuxième journée de labeur, qui consiste en la gestion quotidienne du foyer, avec ou sans enfants. Et si nous ne sommes plus tout à fait sous Pompidou, à une époque où monsieur se contentait de mettre ses pieds chaussés de Berluti ou de Dr. Martens sous la table, l’Observatoire des inégalités fait toujours le constat d’inégalités criantes dans le partage des tâches ménagères.

Quand travaille-t-on gratuitement ? Tout dépend à qui l’on pose la question. Les bénévoles d’une association comme les Restos du cœur ou Emmaüs répondront que les défaillances de l’État obligent à la mise en place de tout un réseau de solidarité gratuite. Dans un registre plus provocateur, l’autrice Ovidie affirme même, dans La chair est triste hélas (Julliard, 2023), que la plupart des femmes hétérosexuelles travaillent gratuitement en acceptant d’être “mal baisées”. Dans les deux cas, une personne ou une entité ne joue pas son rôle.

Dans Condition de l’homme moderne (1958), Hannah Arendt définit le travail (work, qu’il serait plus juste de traduire par “labeur”) comme une activité liée à la vie et la subsistance, qui produit des biens immédiatement consommables et périssables intégrés dans un cycle de renouvellement constant. “C’est en effet la marque de tout travail, écrit Arendt, de ne rien laisser derrière soi, de voir le résultat de l’effort presque aussitôt consommé que l’effort est dépensé.” On pourrait y voir la marque de l’aliénation, au sens marxiste, mais Arendt nuance : “Et pourtant, cet effort, en dépit de sa futilité, naît d’une grande nécessité, il est motivé par une impulsion plus puissante que tout, car la vie elle-même en dépend.” Le travail répond donc à une nécessité biologique.

Le travail domestique relève de ce type d’activité : l’effort aussitôt fourni (un repas cuisiné, un sol nettoyé, une lessive préparée, un week-end en famille organisé) est immédiatement englouti et quasiment effacé par la tâche suivante à accomplir. C’est pourquoi il ne paraît pas absurde de prévoir une compensation financière pour les femmes devenues mères et qui doivent lever le pied sur leur activité professionnelle en travaillant à temps partiel. En 2022, le travail partiel concerne en effet une femme sur quatre, contre un homme sur dix, selon les chiffres du ministère du Travail.

Si l’on applique la définition arendtienne du travail – Arendt n’avait pourtant rien d’une grande féministe et est restée complètement sourde à ces problématiques –, la maternité consiste en un travail, gratuit donc. Le fait qu’il soit effectué avec soin et amour ne change rien. Quant aux salariées, avec ou sans enfants, qui se lèvent désormais tous les matins jusqu’au 31 décembre pour faire du bénévolat, j’imagine qu’elles n’ont qu’à traverser la rue pour se taper (gratuitement) la tête contre un mur. »

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