Quel avenir pour les « petites poucettes » ?

Intervenue quelques jours avant le tenue du séminaire gouvernemental sur « la France en 2025 », prévue lundi 19 août, cette consultation a permis, selon Michel Serres, d’appréhender le décalage entre les institutions telles qu’elles sont et la société en devenir. Convaincu que « philosopher c’est anticiper », il convient d’après l'auteur de Petite Poucette (Le Pommier, 2012), dans le monde hyperconnecté des réseaux sociaux, de « repenser la représentation politique » : « Comment faire de nouvelles appartenances, de nouvelles sociétés ? »

Une idée qu’il développe depuis ses premiers ouvrages, Hermès notamment, lui qui affirme, dans un entretien accordé à Philosophie magazine : « Le grand philosophe de demain sera celui qui repensera tout, du cognitif au politique, car tout est nouveau. Il convient de rapatrier la question philosophique sur les nouveautés d’aujourd’hui. Comment imaginer que la représentation politique continuera à fonctionner de la même façon alors que le vote des opinions individuelles prolifère sur les blogs sans qu’on en tienne compte ?

Avec un autre espace géographique et mental que j’ai appelé topologie générale, le travail de la philosophie ne fait que commencer. Nous vivons une telle coupure d’hominisation, nous sommes plongés au sein d’une telle « hominescence », que beaucoup de nos institutions se trouvent comme ces étoiles dont nous recevons la lumière et dont les astrophysiciens nous disent qu’elles sont mortes depuis bien longtemps. »
 

Interactiv' avec Michel Serres, l'auteur de... par franceinter

Alors, quelles sont les tendances ? Que se passera-t-il quand les « petites poucettes » qui ont aujourd'hui entre 19 et 25 ans, auront 40 ans et plus ? Pendant l’été, les ministres avaient ordre de plancher sur la France telle qu’elle serait en 2025. Cette « grande démarche prospective » consiste à « préparer la France dès aujourd’hui à relever les défis qui seront les siens dans dix ans en exploitant au mieux ses nombreux atouts (démographie, formation, équipement, position géographique, art de vivre…) ». Un « projet stratégique » a été commandé pour la rentrée au Commissaire général à la stratégie et à la prospective, Jean Pisani-Ferry.
 

Économie, justice, production, éducation, avenir de l’Europe, du pays et des jeunes générations : tout doit y passer, chaque ministère évoquant « le numérique » et « les nouvelles technologies » comme solution miracle au rélèvement de la France, et avançant sous couvert de grandes formules comme la troisième révolution industrielle et les outils 3.0...

À la différence des futurologues et des utopistes – des politiques ? – les philosophes ne prétendent pas jouer à Madame Soleil. Ils préfèrent déployer des hypothèses. En temps de crise, alors que les dogmes vacillent, Philosophie magazine leur a demandé de développer, entre récit et raisonnement, quelques suppositions. Ces penseurs prestigieux ont accepté de dérouler toutes les conséquences, des plus pratiques aux plus spéculatives, des questions que nous leur avons posées.
 

Quel sera par exemple l’avenir de l’Europe ? Tour d'horizon en six propositions. Doit-on craindre que l’information instantanée mettent en péril l’idée même de l’avenir ? Pour Paul Virilio, « il est nécessaire que nos sociétés d’abondance cessent d’être des sociétés d’accélération pure ». Quelle éducation numérique pour les jeunes générations ? Michel Serres et Bernard Stiegler analysent la nouvelle alliance entre technologies et pédagogie. Quel nouveau rapport au corps humain, à la nature et à l’existence les avancées technologiques instaurent-elles après jour ? Les pistes de Michel Serres. Et si, comme le soutient le sociologue Zygmunt Bauman, l’avenir, c’était le présent ?