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©Editions du Seuil

Philosophie de la catastrophe

“Résurrections” : voyage chrétien au bout de la nuit

Jean-Marie Durand publié le 04 avril 2022 5 min

Se définissant comme un philosophe rationaliste chrétien, soucieux de clarifier les idées qu’il défend, Denis Moreau livre, avec Résurrections. Traverser les nuits de nos vies (Seuil, 2022), un plaidoyer fervent pour la manière chrétienne de faire face aux catastrophes de l’existence. Un appareillage métaphysique, fondé sur la croyance dans la résurrection du Christ, par laquelle naît une espérance. Un essai où la théologie et l’éthique vibrent à parts égales.

 

La « traversée des catastrophes », proposée par le philosophe Pierre Zaoui dans son livre paru en 2010, doit-elle se soumettre à des règles censées soulager ses épreuves ? Si, pour mener à bien cette traversée, il appartient à chacun de puiser des ressources dans les formes de vitalisme de son choix, de nombreuses traditions de pensée prétendent apporter quelques issues concrètes, à la manière d’un manuel de survie. Le christianisme, dont la foi en la résurrection du Christ forme le cœur, se pose clairement sur ce chemin de la promesse d’un salut. 

 

Une manière chrétienne de traverser les catastrophes

C’est dans cette tradition que se situe Denis Moreau, dont le nouvel essai ,Résurrections. Traverser les nuits de nos vies, se présente comme une sorte de réplique catholique et amicale à la proposition de Zaoui, qui assumait la condition athée de sa réflexion. À partir d’un même horizon – la perte, le deuil, l’angoisse existentielle… – et à partir d’un même goût pour la pensée, qui soutient à défaut de sauver, les deux philosophes se désaccordent. 

Mais celui qui croit au ciel et celui qui n’y croit pas communient ici en une même volonté de « défendre la puissance de la vie en nous contre ce qui menace de la défaire ». La singulière beauté de cette façon chrétienne de traverser les catastrophes, même pour un lecteur étranger à la culture catholique dont Denis Moreau se fait le héraut, tient à la sincérité désarmée et non prosélyte de son propos : « Je n’ai ici aucune intention de me livrer à une confiscation de la joie au profit des seuls chrétiens et je concède volontiers qu’il n’y a – et heureusement ! – pas besoin d’être au nombre de mes coreligionnaires pour en éprouver », glisse-t-il, comme pour déjouer la méfiance qu’il pourrait susciter chez des lecteurs pour lesquels la résurrection n’est qu’un mot vidé de sens, sauf s’il renvoie au réveil d’une idée ou d’un combat perdu (la légèreté de vivre, le socialisme, le PSG…).

 

« Saurons-nous nous relever ? »

D’autant que le mot « résurrection » excède ici un cadre théologique exclusif pour s’ajuster plus profondément à la nécessité que chacun ressent, à certains moments d’effondrement existentiel, de vouloir « revivre », comme l’analysait Frédéric Worms dans un autre beau livre. Denis Moreau s’explique : « Puisque je sais désormais qu’on n’échappe pas aux catastrophes existentielles et que toute vie humaine est couturée d’une dimension tragique, j’en suis venu à penser qu’il n’y a, au fond, qu’une question qui vaille : abattus, terrassés, aux temps de la déréliction, saurons-nous nous relever ? Je veux dire : ressusciter. »

C’est bien parce que la vie n’est pas toujours « joyeuse, innocente, solaire, pacifiée et sereine, globalement exempte de tristesse et de noirceurs, épargnée par les coups durs et les coups bas que nous administre ce qu’on appellera, en fonction de ses convictions, le cours des choses, l’ordre du monde, le hasard, la nécessité, le destin, la Fortune, voire la Providence (rayez les mentions inutiles) », qu’il arrive à beaucoup, de penser qu’ils sont foutus. « J’ai vu des amis sombrer dans la dépression, d’autres se suicider, écrit l’auteur. J’ai vu des couples exploser, des communautés se disloquer dans des torrents de haine. J’ai vu le bonheur se changer en détresse, la paix submergée par la guerre, le découragement l’emporter sur l’espérance, des personnes lumineuses se laisser ronger par les tourments intérieurs puis s’effondrer, les existences de jeunes gens prometteurs commuées en tragédies […]. » 

 

Appareillage métaphysique

Comme lui, nous avons vu cela à l’œuvre, nous le voyons encore. Mais lui ne veut pas en rester là et propose dans son livre étayé un « équipement conceptuel, un appareillage métaphysique autrement opératoire qui permette d’affronter non seulement le cours ordinaire de l’existence, mais aussi la tempête et les coups de chien qu’elle nous réserve ». 

Cet appareillage se fonde sur cette fameuse résurrection de Jésus : un acte de foi dont Moreau n’ignore pas « le caractère discutable et imparfaitement assuré », mais qu’il assume, et qu’il fait vibrer en lui. Car cet acte de foi peut « structurer et changer profondément une vie humaine ». À le lire, on veut bien « croire » que la foi, comme vertu, a une efficacité dans la vie de celui qui en est habité. On le croit volontiers, à défaut d’y croire en entier. Cette résurrection du Christ qui vivifie l’homme traverse le cœur de son projet philosophique ; la résurrection de Jésus détermine selon lui « une nouvelle donne dans l’organisation du pensable ». 

 

Jésus pour modèle

Denis Moreau ne cherche pas moins qu’à « proposer une description de la condition d’un être humain qui ne se saisirait plus originairement, ainsi que le soutient Heidegger, comme être-pour-la-mort tenue pour la fin, mais se déterminerait comme être-pour-la-résurrection ». Selon lui, les krachs existentiels peuvent « se commuer en situations résurrectionnelles ».

Cette foi en la résurrection ne protège évidemment pas le chrétien contre les rudes coups du destin. « Mais cette foi détermine une façon particulière, et particulièrement efficace, de tenter d’affronter et surmonter ces épreuves et ces catastrophes. » Moreau s’accroche à cette espérance dont procède sa vie même. « Celui qui espère chrétiennement sait, jusque dans ses blessures, les pesanteurs du réel, sa force de résistance à nos projets, la cruauté de la vie. Il partage ainsi avec le pessimiste une lucidité sans complaisance sur les terribles rudesses de l’âpre métier d’exister. Mais il refuse, lui, de voir dans cette charge de négativité l’horizon ultime de l’existence. »

 

Terrassés mais pas anéantis

Sensible aux mots de Georges Bernanos, pour qui « la plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté », et de saint Paul qui, dans la Deuxième Lettre aux Corinthiens, parle du combat spirituel « des terrassés », mais pas « anéantis », ceux qui, « acculés dans des impasses, parviennent à passer », Denis Moreau transmet son « éducation sentimentale » à tous ceux qui, quelles que soient la nature de leurs convictions religieuses et éthiques, aiment les idées clarifiées, portées par un souffle généreux. 

Son goût pour la résurrection peut ainsi, et aussi, se lire comme un goût pour une forme de sagesse dont les conditions ne font pourtant jamais l’unanimité, surtout lorsqu’elles convoquent l’idée de Dieu. Comment ne pas admettre avec Denis Moreau que la sagesse, qu’elle soit chrétienne ou pas, invite à « se reconnaître faible et admettre qu’on a besoin d’être aidé » ? Et qu’en dépit de tout, de sa foi ou de ses doutes, « rien en ces affaires ne se traverse, ni ne se comprend complètement », comme l’écrivait Pierre Zaoui. Vivre, c’est toujours revivre. À chacun ses traversées, et les résurrections multiples qu’elles annoncent.

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