Si loin, si proches
Accompagner, comprendre, aider, prendre soin… Nos quatre témoins – conseillère funéraire, ethnographe sur des terrains difficiles, psychiatre auprès de migrants, bénévole pour une association humanitaire – en ont fait une profession. Mais comment garder la bonne distance entre la compassion et l’empathie, et ne pas se laisser happer par l’émotion ?
Face aux éplorés, elle ne retient pas toujours ses larmes. Christel Grange est conseillère funéraire en Saône-et-Loire depuis cinq ans. Son travail consiste à accueillir les familles pour organiser les obsèques. 450 à 500 décès dans l’année, et autant d’histoires personnelles pour lesquelles elle et ses collègues doivent trouver les mots, les bons. « Quand je reçois les gens, ils ne sont pas encore pleinement conscients de ce qui leur arrive. Le choix du cercueil peut s’avérer tragique. Faut-il parler ? Se taire ? Il m’arrive de prendre quarante-cinq minutes ou bien trois heures… Ce qui importe, c’est qu’ils se sentent accompagnés. J’essaie de me mettre à leur place et de tout leur donner. Certains me remercient de leur avoir consacré du temps, de les avoir écoutés, d’autres ne veulent plus me voir, car j’incarne la mort d’un proche. » Autrefois, Christel vendait du tissu pour le prêt-à-porter. Si elle a choisi de changer aussi radicalement de métier, c’est en pensant à sa future « utilité » et en prenant la mesure de sa capacité d’être émue.
Comment fait-elle pour ne pas être submergée ? « Il arrive que je le sois, que je me laisse emporter à pleurer avec les familles, mais je suis préservée parce qu’il s’agit d’une rencontre éphémère. Je n’ai pas à suivre une famille pendant des semaines, comme les infirmiers. Ensuite, je peux m’appuyer sur la série des actes à accomplir, sur une forme de mécanique qui permet de surpasser la difficulté émotionnelle. Quand je rentre chez moi, s’il m’arrive de penser à un enterrement, c’est plutôt en me demandant professionnellement si tout est en ordre. L’empathie d’un côté, la rigueur de l’autre. Enfin, le remerciement des familles est une véritable gratification qui vaut bien des peines. » L’un des points d’arrêt qui tient la relation empathique hors de la détresse serait donc le « retour aux choses moyennes », selon l’expression du philosophe américain Ralph Waldo Emerson (1803-1882), dans un texte écrit suite à la mort de son fils. Se remettre au travail, penser à sa tâche. Mais peut-on opérer à volonté cette dissociation entre la vie intérieure et la vie professionnelle ? Apprendre l’usage de l’empathie, comme on acquiert une compétence ?
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