Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Ta-Nehisi Coates à Paris, en avril 2016 © Edouard Caupeil

Politique / États-Unis

Ta-Nehisi Coates : “La race naît du racisme et non le contraire”

Cédric Enjalbert publié le 27 avril 2016 16 min

Malgré l’élection de Barack Obama, le racisme gangrène encore et toujours les États-Unis. Face à la violence policière, aux écarts de revenus selon la couleur de peau et à une histoire mal digérée, l’écrivain Ta-Nehisi Coates exprime “Une colère noire”. Il dissipe dans cet essai salutaire les illusions du rêve américain.

Riant et insaisissable : Ta-Nehisi Coates est aussi affable que difficile à ferrer, tant il est sollicité. Il aura fallu plusieurs tentatives pour finalement questionner un dimanche matin de mars l’écrivain afro-américain, journaliste star d’un des plus vieux magazines de l’Amérique blanche – The Atlantic – et coqueluche des médias depuis la parution d’Une colère noire. Loué par Toni Morrison comme l’œuvre du « digne successeur de James Baldwin » et recommandé par Barack Obama lui-même, cet essai a été distingué par le National Book Award, en 2015. La plus haute distinction littéraire aux États-Unis récompense un texte viscéral et incisif. Désarmante mais sans pathos, cette lettre ouverte adressée à son fils, à mi-chemin de l’essai, du pamphlet et du poème en prose, souffle le vent vivifiant de la lutte pour le droit, contre les injustices et les idéologies béates. Elle émeut et remue. Ta-Nehisi Coates y exprime un virulent sentiment de colère, né de la condition réservée aux Afro-Américains hantée, aujourd’hui encore, par la violence et la peur. Il invite à l’examen critique. Car le racisme n’appartient pas au monde d’hier. Formé à l’école de la militance pour les droits civiques à Baltimore, ce lecteur admiratif de Malcom X, critique de la tradition pacifiste à la Martin Luther King, doit à sa mère enseignante et à son père vétéran du Vietnam – puis chef de section des Black Panthers et bibliothécaire à l’université – la fréquentation des classiques de la littérature noire américaine. Avec son sourire qui emporte tout et son lyrisme âpre et décapant, dans une langue qui louvoie entre un américain sans temps mort et un français encore hésitant mais toujours inquiet de trouver le mot juste, Ta-Nehisi Coates, pugnace, reprend l’histoire de l’Amérique par la racine pour dessiller les yeux embués, étriller les bonnes intentions et dissiper les illusions dont les rêveurs se bercent.

 

Votre livre Une colère noire s’adresse à votre fils, Samori. Qui d’autre est interpellé dans cette lettre ouverte ?

Ta-Nehisi Coates : Le livre est à l’intention de mon fils, mais il n’est pas écrit pour lui, ce qui n’aurait aucun sens. Je lui ai déjà exposé tout ce dont je parle. J’avais deux ou trois versions préalables de ce livre mais très éloignées de la version finale. Elles n’étaient pas suffisamment précises et personnelles. Je m’y suis remis en adoptant un artifice littéraire invitant le lecteur à voir à travers les yeux de mon fils, à sa place. Ce n’est ni de la littérature de salon, ni un essai pointu pour une poignée de lecteurs. Mon intention est d’aborder un sujet très politique avec les moyens de la littérature afin d’exprimer un sentiment, celui de la colère née de l’oppression et du racisme. J’emprunte le procédé à James Baldwin, qui écrit lui-même La Prochaine Fois, le feu comme une lettre écrite à son neveu, décrivant l’Amérique blanche et ses tensions raciales, rappelant que « les Noirs veulent simplement ne pas se faire taper dessus par les Blancs à chaque instant de leur bref passage sur cette planète ». Le titre anglais Between the World and Me [« entre le monde et moi »] renvoie à un poème brutal de Richard Wright, dans lequel il décrit le souvenir d’un lynchage à la première personne, montrant que nous sommes tous porteurs d’un passé, d’une histoire qui nous traverse. James Baldwin et Richard Wright sont deux consciences critiques, deux modèles de l’écriture noire.

 

Le livre est un best-seller. Imaginiez-vous un tel succès, aux États-Unis comme en France ?

Je suis étonné de son succès ! Je ne l’ai pas écrit en imaginant qu’il pourrait être traduit. Une colère noire renvoie à une expérience afro-américaine très spécifique. Mais dans cette expérience humaine est contenu l’universel. L’oppression, le racisme et la discrimination sont des réalités qui s’attaquent aux corps, compréhensibles par tous.

 

« L’assassinat impuni du jeune Afro-Américain Michael Brown par un policier blanc à Ferguson n’est pas une abstraction »

Le rapport au corps est au cœur de l’essai.

Oui. Les bavures policières ne sont pas des abstractions. L’assassinat impuni du jeune Afro-Américain Michael Brown par un policier blanc à Ferguson n’est pas une abstraction. Il était désarmé et il a été tué par un policier blanc de plusieurs balles, parce qu’il marchait au milieu de la rue. Quand mon fils a appris à la télévision que le policier qui l’avait tué n’était pas inculpé, il est parti pleurer dans sa chambre. Les morts d’Eric Garner à New York, en 2014, et de Freddie Gray à Baltimore, en 2015, rappellent aussi violemment à l’Amérique que, dans ce pays, la force policière a le pouvoir de détruire les corps et combien le racisme n’appartient pas au passé. Le mouvement des Black Lives Matter [« les vies noires comptent »] né de cette succession d’assassinats racistes, et notamment du meurtre par balle du jeune Trayvon Martin en Floride, en 2012, montre que l’élection de Barack Obama n’a pas du tout résolu la question raciale. Être noir, dans le Baltimore de ma jeunesse, c’était être nu face aux éléments, face aux armes à feu, aux coups de poing, à la drogue. Cette « nudité » était la conséquence de siècles passés à vivre dans la peur. Ma principale préoccupation n’était pas mes projets ou mes études mais ma sécurité physique. Je consacrais bien un tiers de mon activité cérébrale à me prémunir du danger. Aujourd’hui, des expressions policées oblitèrent l’expérience réelle du racisme, les blessures qu’il inflige. Les Américains ne veulent pas voir cette réalité. Ils emploient des formules pour la mettre à distance, parlant de « relations interraciales », de « justice raciale », de « privilège blanc », alors que le racisme détruit des corps. Il existe un grand débat aux États-Unis concernant la discrimination positive, sans que l’on sache ce qu’elle recouvre exactement. Mais lorsqu’on fouille un peu, de quoi parle-t-on ? Untel veut que son fils ait de meilleures opportunités. Comment ? En allant vivre ailleurs. Pourquoi ? Car son quartier est ravagé par la violence. La violence est au fond de toute chose. Or le langage politique, qui met tout sur un pied d’égalité, confère une forme d’innocence à ces débats.

Expresso : les parcours interactifs
Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
4 min
L’esclavage naît-il du racisme… ou l’inverse ?
Philippe Garnier 13 décembre 2021

Les sociétés occidentales ont-elles prospéré depuis la Modernité en s’appuyant sur un « racisme structurel », comme le soutient « …

L’esclavage naît-il du racisme… ou l’inverse ?

Article
18 min
Kwame Anthony Appiah : “L’antiracisme, ce n’est pas faire comme si les races n’existaient pas”
Agnès Botz 24 juin 2020

Alors que la vague d’indignation provoquée par la mort de George Floyd aux États-Unis crée un débat sans précédent sur la persistance du racisme,…

Kwame Anthony Appiah : “L’antiracisme, ce n’est pas faire comme si les races n’existaient pas”

Article
7 min
Alain Policar : “Le décolonialisme a renoncé au dialogue avec les oppresseurs”
Octave Larmagnac-Matheron 10 décembre 2020

Nous assistons à une racialisation du monde, observe Alain Policar dans son dernier livre L’Inquiétante Familiarité de la race (Le Bord de l’eau)…

Alain Policar : “Le décolonialisme a renoncé au dialogue avec les oppresseurs”

Article
5 min
Magali Bessone : “Les races sont socialement construites” 1/2
Magali Bessone 21 mai 2013

Le jeudi 16 mai, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi du Front de gauche visant à supprimer le mot « race » de la législation…

Magali Bessone : “Les races sont socialement construites” 1/2

Article
5 min
Magali Bessone : “Les races sont socialement construites” 2/2
Magali Bessone 21 mai 2013

Le jeudi 16 mai 2013, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi du Front de gauche visant à supprimer le mot « race » de la…

Magali Bessone : “Les races sont socialement construites” 1/2

Article
12 min
“Racisme systémique” : mais de quel “système” parle-t-on ?
Ariane Nicolas 16 avril 2021

Depuis quelques années, l’expression « racisme systémique » s’impose pour décrire les mécanismes à l’œuvre dans la reproduction d…

“Racisme systémique” : mais de quel “système” parle-t-on ?

Entretien
15 min
Achille Mbembe : “Le passant figure le sujet de demain”
20 février 2014

Entre Afrique, Europe et Amérique, il est un passeur évoluant dans des sociétés toujours obsédées par le concept de “race”. Mêlant histoire, philosophie, psychanalyse et littérature, il s’interroge, à travers une œuvre libre et…


Dialogue
11 min
Matthieu Barbin, alias Sara Forever-Olivia Gazalé : légèrement graves
Cédric Enjalbert, Ariane Nicolas, 21 mars 2024

Finaliste de la deuxième saison de l’émission Drag Race France, Matthieu Barbin cultive la bonne humeur corrosive comme une seconde nature, il en…

Matthieu Barbin, alias Sara Forever-Olivia Gazalé : légèrement graves

Article issu du magazine n°99 avril 2016 Lire en ligne
À Lire aussi
“Charlie Hebdo” en 1840
“Charlie Hebdo” en 1840
novembre 2012
Tocqueville-Gobineau. La bataille du sang
Tocqueville-Gobineau. La bataille du sang
Par Martin Duru
mars 2020
Thomas Chatterton Williams : “Je crains qu’une génération d’intellectuels et d’artistes se retrouve paralysée”
Thomas Chatterton Williams : “Je crains qu’une génération d’intellectuels et d’artistes se retrouve paralysée”
Par Alexandre Lacroix
juin 2021
  1. Accueil-Le Fil
  2. Entretiens
  3. Ta-Nehisi Coates : “La race naît du racisme et non le contraire”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse