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Image recadrée © Mathieu Rivrin

Mythologies

Tolkien, Poséidon et le visage des dieux

Octave Larmagnac-Matheron publié le 11 février 2021 3 min

Vous avez sans doute vu passer cette image, immortalisée à Lesconil (Bretagne) par le photographe Mathieu Rivrin : en pleine tempête, une vague projetée sur un rocher prend la forme d’un visage. Poséidon ! À l’instar du dieu grec de la mer, les mythologies du monde entier regorgent de divinités qui semblent personnifier les éléments naturels. Gardons-nous cependant, selon le philologue J. R. R. Tolkien – plus connu pour Le Seigneur des anneaux (1955), mais qui fut aussi un subtil théoricien du mythe – de réduire ces divinités à des entités cosmiques impersonnelles. Les récits que les hommes racontent à leur propos (leurs histoires d’amour, leurs aventures, leurs colères…) ne sont pas accessoires, secondaires. Le récit, où se noue le lien entre l’homme et la surpuissance de la nature, est là dès l’origine : c’est par son détour que l’homme peut percevoir, vraiment, la splendeur du monde.

 

© Mathieu Rivrin

L’image originale, prise par Mathieu Rivrin à Lesconil (sud du Finistère), lors du passage de la tempête Justine sur la Bretagne, entre janvier et février 2021. © Mathieu Rivrin

 

  • Grand amateur de légendes, Tolkien attaque, dans son essai Du conte de fées (1947), la théorie des « mythes de la nature », qui voudrait que « les Olympiens [soient] des personnifications du soleil, de l’aurore, de la nuit, etc. » Des « allégories […] des principaux changements des éléments et phénomènes de la nature », de grandes puissances cosmiques, impersonnelles, sans « aucune personnalité », des « sujets astronomiques et météorologiques » qui se seraient humanisés dans un second temps – acquérant, au passage, leur lot d’histoires, d’intrigues, de légendes, de traits de caractères, de relations. Dans cette perspective, les entités allégoriques sont premières, les récits à leurs sujets ne sont que des ajouts (superflus) diminuant, pourrait-on dire, leur majesté divine. La réalité est toute autre pour Tolkien : « Il serait […] dépourvu de sens de demander ce qui vient en premier. » À propos de Thor, le dieu scandinave du tonnerre, il affirme que « le fermier apparut au moment même où le Tonnerre reçut une voix et un visage. […] Il y avait un grondement lointain du tonnerre dans les collines chaque fois qu’un conteur entendait un fermier s’emporter. » Les deux dimensions – l’allégorisation et le récit – sont indissociables.
  • Il faut même aller plus loin : ce n’est que parce que l’homme peuple le monde de ses récits que les phénomènes de la nature deviennent à proprement parler visibles pour lui. « Le conte de fées cessant, il n’y aurait plus que le seul tonnerre, que l’oreille humaine n’avait jamais entendu » – et ne pouvait pas entendre, au fond. C’est par la médiation du récit que la nature apparaît – c’est parce que l’homme se raconte des histoires sur Poséidon qu’il voit la tempête dans toute sa majesté. Tolkien le formule encore d’une autre façon, dans un passage remarquable de son poème Mythopoeïa (littéralement : la création des mythes) : « Les arbres ne deviennent des “arbres’’ que lorsqu’ils sont ainsi nommés par celui qui les voit […] Il ne voit pas d’étoiles, celui qui ne les a d’abord vues de vif argent prenant tout à coup feu comme des fleurs dans une vieille chanson dont l’écho vous poursuit longtemps. Et le firmament n’est qu’un vide désolé s’il n’est une tente diamantée, tissé de mythes et damassé de lutins. Et la Terre elle-même ne devient terre que lorsqu’on lui reconnaît les entrailles d’une mère qui a donné naissance à tout ce qui existe. »
  • Si le récit est la clef de la réalité, c’est qu’il est le fondement du langage lui-même. Comme l’écrit Tolkien dans les brouillons de Du conte de fées, « La mythologie est langage et le langage est mythologie. […] Demander quelle est l’origine des récits revient à demander quelle est l’origine du langage et de l’esprit. » Nous ne nous racontons pas des histoires parce que nous parlons : nous parlons pour autant que nous racontons. Raconter met en effet en jeu une faculté essentielle de l’homme : la fantaisie qui, dans sa liberté, s’autorise à extraire, à « abstraire », le vert de l’herbe, l’obscurité de la nuit et « les splendeurs de la nature » pour les transposer à d’autres êtres. Le récit, dans son écart imaginatif avec le réel, est la source du langage.
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