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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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(cc) Eric Nopanen / Unsplash

L’été à pleins tubes

5 articles publié le 04 juillet 2017
À chaque été sa chanson. Refrains calibrés pour réussir à grands coups de matraquage médiatique ou brillants condensés de l’air du temps, pourquoi ces ritournelles s’imposent-elles à nous ? Explications musicales – de Christophe à Drake – avec Philippe Chevallier, philosophe et récent auteur d’un essai consacré à Claude François.

Le tube de l’été n’est pas un tube comme un autre : il est la quintessence du tube tant il condense en lui tout ce qui fait la détestation de la culture de masse programmée, imposée, marketée. Si Adorno se pinçait le nez en entendant Sunrise Serenade de Glenn Miller à la radio, il serait tombé de sa chaise en découvrant cette Lambada de l’été 1989, fruit d’un complot marketing entre une major du disque, une boisson qui fait « pschitt » et une chaîne qui fait pitié. De cette saison en enfer musical, on aurait pu espérer que le tube retrouve en intensité ce qu’il perd en éternité. Mais il n’est que rarement la transe qu’il promet ; tout au plus montre-t-il du doigt les éléments d’un décor : percussions noix-de-coco et claviers-clapotis. Sur l’échelle des valeurs esthétiques, le tube de l’été se situerait donc juste derrière celui contenant du dentifrice : même goût artificiel, même industrialisation de sa production.

Mais pas de philosophie du tube sans enquête véritable. Ce qui vaut pour la Lambada est loin d’épuiser le contenu d’une liste plus surprenante qu’on ne le croit. Elle vérifie que le tube de l’été n’obéit à aucune forme particulière, ce qui amène à réviser nos jugements sur les goûts populaires en ces temps ramollis. L’adoration du dieu Rê n’a pas empêché Pierre Bachelet de triompher en plein été 1982 avec ses peu bronzés Corons : « Au Nord, c’étaient les corons / La terre, c’était le charbon. » Il fallait oser cette sixte majeure ascendante qui donne envie illico de voter Nathalie Arthaud. De ce succès inattendu, il ressort que le public a ses lois qui ne sont pas celles des majors, incapables de saisir les attentes des foules sentimentales. Mais rien ne garantit à l’inverse que le succès soit la capture d’un « air du temps ». La sociologie du tube repose encore sur un mythe : celui de la rencontre entre un désir collectif, plus ou moins formaté, et son miroir, plus ou moins industriel. Si ce mythe a la vie dure, c’est qu’il reconduit une fascination sans laquelle le tube ne serait plus tout à fait lui-même. On l’aime gardien d’un secret de fabrication, d’une mystérieuse compétence qui ne s’apprend pas : la prescience de ce que veut le public. Au producteur ou au manager, les attributs de l’artiste romantique, dont les rêves, pour paraphraser Victor Hugo, sont faits des ombres de ce qui sera. Toute l’histoire du tube, faite de succès imprévisibles et de faces B repêchées en face A, contredit cette vision.

Parlera-t-on alors de strict hasard ? Quitte à être quelquefois contredit par les faits, posons simplement que le public a des compétences en matière d’esthétique et qu’il n’y a pas à chercher ailleurs les raisons d’un succès. C’est une bonne discipline qui permet d’écouter le tube avec une pensée ouverte, en ne s’excluant pas d’une humanité qui l’a aimé, ne serait-ce qu’un été, tout en en cherchant la raison. Kant nous l’a appris : s’il n’y a pas lieu de se disputer au sujet des goûts, il faut en discuter comme si cette discussion devait un jour être concluante.

Mais encore faut-il considérer le tube comme une œuvre parmi d’autres, ni plus maline ni plus innocente. Le défaire, donc, de sa métaphysique, celle de l’instant inouï, insaisissable, pour mobiliser une capacité de jugement que nous avons tous et qui se moque des stratégies d’intimidation comme des excès de condescendance d’une philosophie qui ne s’intéresse au petit objet qu’à la condition qu’il soit petit – dans la forme du ridicule, du kitsch, du transgressif, du régressif. On se rend compte alors que la chanson n’est pas un art mineur. Les mineurs ne chantent pas en rentrant du boulot, ils sifflent, remarquait Boris Vian, qui n’avait pas oublié Blanche-Neige. Dans sa forme radiophonique, elle est un art « moyen » – art du juste milieu que les Grecs considéraient comme un sommet et qui nous fait retrouver le sens ancien et oublié du chef-d’œuvre : l’œuvre qui témoigne de la parfaite maîtrise d’un métier.

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