Éloge du danger. Propositions II 

Une recension de Hannah Attar, publié le

Quelle place acceptons-nous de laisser au danger ? Lorsque nous y sommes confrontés, n’est-il pas vécu comme ce qui aurait été évitable ? Alors que des calculs de probabilité toujours plus précis sont censés nous préparer à l’imprévu et que nos institutions se sont constituées pour nous protéger contre les risques inhérents à toute vie, le danger n’est plus appréhendé que sous le prisme de ce qui est maîtrisable. Or il est avant tout un choc, un événement, qui doit relever non pas du probable mais du possible. C’est pour le réhabiliter pleinement que Laurent De Sutter lui dédie cet Éloge du danger, dans lequel il propose de renverser la perspective habituelle : si nos discours savants, nos moyens de connaissances et nos lois sont structurés autour du même projet de juguler le danger, n’est-ce pas pourtant « le danger qui est la règle et l’ordre l’exception » ? Le danger permet de faire le lien entre « l’ordre et son double » : c’est parce que le danger existe que nous nous figurons l’ordre et tentons de lui donner forme -– dialectique que le film noir rend palpable, en annonçant l’imminence d’un danger par une rupture de rythme, donc un changement d’ordre esthétique. Faire l’éloge du danger, toujours au singulier, revient alors à laisser la place au possible et à se dresser face aux forces sourdes de la probabilité comme « immunisation du calcul par rapport à l’impureté de la singularité ». À l’instar de la rencontre, le danger est « un accrochage » : dans la toile du régulier, une déchirure intervient, produisant du nouveau et du pensable.

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