L’Amour la mer 

Une recension de Cédric Enjalbert, publié le

« Il s’éveilla. Le monde se trouva descellé. » En refermant ce livre tissé d’amour et de mort, ce sont des images comme celles-ci qui nous restent. Car Pascal Quignard élabore son récit comme une rêverie, une marqueterie de rêves éveillés déjouant la chronologie au profit de tableaux pensifs et d’aphorismes frappants. Dans ce tombeau littéraire relatant la séparation de deux amants, l’auteur invente le destin de personnages ébauchés dans ses ouvrages précédents, comme Marie enceinte de Meaume, le graveur de Terrasse à Rome (2000), ou Thullyn l’élève de Sainte-Colombe, le musicien de Tous les matins du monde (1991). L’action se situe à un moment paroxystique de l’histoire de France, durant la Fronde, en 1652, quand l’anomie et la violence dans le royaume sont les plus grandes… au moment même où le compositeur Froberger invente l’admirable suite baroque, en musique. Ce roman poétique en forme de vanité est un fil ténu tendu entre deux temporalités : celle de la séparation, de la mort, qui survient dans nos vies singulières, et celle de la vie qui se prolonge indéfiniment comme un flux, dont parlaient déjà les philosophes présocratiques, une génération continuée par-delà la corruption. « Que reste-t-il de l’amour quand l’amour, à l’évidence, n’est plus ? Tellement de choses qu’il est impossible de les énumérer. Tout un monde. Continue le mouvement qui l’initia. N’a pas de fin l’essentiel. »

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