L’Harmonica de verre et miss Davies. Essai sur la mécanique du succès au siècle des Lumières

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L’harmonie est-elle angélique ou démoniaque ? La pureté absolue d’un son touche-t-elle le ciel de la douceur ou bien l’enfer de la folie ? C’est cette tension – électrique ? – qui traverse le récit de Mélanie Traversier sur l’histoire d’un instrument inouï, l’harmonica de verre. De cloches de cristal de diamètres croissants, enchâssées sur un axe tournant, l’on tire des harmonies « célestes » en les frottant avec des doigts mouillés. L’instrument a été mis au point en 1761 par le « génie de l’électricité », Benjamin Franklin, artisan de l’indépendance américaine et personnage clé des Lumières. Sa notoriété éclipsera celle de Mary Ann Davies, première interprète de cet harmonica et dont l’historienne documente le destin tragique. L’émotion musicale s’allie ici aux sciences. Nous passons du cosmos, avec l’harmonie des sphères de Pythagore, au corps, avec la mécanique des fluides : les expériences de magnétisme de Mesmer dans les années 1780 au son de l’harmonica de verre exacerbent la réputation sulfureuse de l’instrument. L’harmonica va ainsi s’accorder à la nervosité des Lumières, puis s’abîmer dans la mélancolie des romantiques pour finir disqualifié par la rationalité de la révolution industrielle à partir de 1830. Et cette rationalité peut aller jusqu’à une « mélophobie », une haine de la musique. Tantôt érotique ou suspectée de provoquer les maladies des nerfs (l’ennui et la mélancolie, prisées dans l’imaginaire romantique), tantôt au contraire soignant l’épilepsie et l’hystérie, la recherche de l’harmonie absolue est toujours un clair-obscur, comme l’héritage des Lumières lui-même.

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