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Des étudiants en religion islamique, appelés "Talibans" en arabe, étudient dans une "madrassa" le 9 septembre 2006 à Peshawar, au Pakistan. © John Moore/Getty / AFP

Entretien

Adam Baczko : "Les taliban ne sont pas un mouvement totalitaire"

Nicolas Gastineau publié le 24 août 2021 13 min

Le 15 août 2021, les taliban sont entrés dans Kaboul. Mais quelle vision de l’islamisme politique portent ces taleb, anciens étudiants en théologie devenus révolutionnaires combattants ? Quelle est la matrice idéologique de ces oulémas radicaux, juristes rompus à l’exercice du droit islamique et formés dans des écoles religieuses au Pakistan ? Pour y répondre, nous nous sommes entretenus avec le chercheur au CNRS Adam Baczko, qui publie, en septembre 2021, La Guerre par le droit. Les tribunaux taliban en Afghanistan (CNRS Éditions). Pour ses recherches, il s’est rendu à plusieurs reprises en Afghanistan pendant la dernière décennie pour y interroger des juges taliban. Entretien.

 

Quel genre de formation intellectuelle ont les oulémas taliban ?

Adam Baczko : Les taliban se sont formés dans les madrasas situées à la frontière pakistanaise, des écoles religieuses qui commencent avec le primaire et se prolongent jusqu’à l’éducation supérieure. Cette formation en commun offre une grande cohérence sociologique au haut commandement taliban, un réseau et une confiance mutuelle construits par le fait qu’ils se connaissent depuis le plus jeune âge. Dans les années 1980, ces écoles se sont massivement ouvertes aux réfugiés afghans de la guerre civile - c’était le seul endroit de la région où ils pouvaient s’éduquer. Des millions d’entre eux sont passés par ces madrasas, en l’absence d’autre éducation. Ce réseau a mobilisé ses ressources pour offrir une éducation gratuite à tous ces Afghans pendant 40 ans – ce qui faisait dire aux soviétiques que 10% de la population afghane appartenait au clergé. C’est ce qui explique que les taliban forment un mouvement aussi structuré.

 

Quelle vision de l’islam apprend-on dans ces madrasas ?

Les écoles où sont formés les taliban appartiennent au deobandisme, un courant religieux né en 1867, à l’époque de la colonisation britannique de l’Inde, pendant laquelle les Britanniques créent ce qu’on a appelé le droit anglo-musulman, qui implique l’interprétation du droit islamique par des juges britanniques, qui avaient retiré, aux juges islamiques, la maîtrise du droit islamique dans la vie quotidienne. À l'époque, cela provoque une réaction très forte dans les milieux religieux et notamment dans la ville de Deoband où un mouvement de résistance intellectuelle s’organise. Naît alors le sentiment que les colonisateurs ont pris l’ascendant parce qu’ils disposent d’outils supérieurs, en terme d’organisation et de raisonnement. Le mouvement se construit donc sur une double base : d’abord, le retour à la légitimité religieuse qui nourrit une forme de fondamentalisme, un retour aux fondements de la foi, qui s’accompagne d’un littéralisme dans l’interprétation des textes sacrés. Et dans le même temps, un enseignement organisé autour d’un effort rationaliste, aspirant à ne pas se restreindre aux matières religieuses et à construire une logique bureaucratique à l’intérieur du clergé islamique.

 

En quoi ce retour aux fondamentaux se distingue-t-il du salafisme, qu’on connaît mieux ?

La différence avec le salafisme et sa version saoudienne, le wahhabisme, est centrale et se joue sur la question du droit. Le droit islamique sunnite se divise en quatre grandes écoles dont la plus dominante est l’hanafisme, appliquée dans la majeure partie du Moyen-Orient, en Afghanistan et en Inde. Le deobandisme en est issu. Le wahhabisme se construit en Arabie Saoudite à partir du XVIIIe siècle dans l’idée de remettre en cause ces écoles de jurisprudence classiques, leur reprochant d’être des sophistications juridiques qui détournent du vrai islam. Il y a quelque chose du protestantisme dans le wahhabisme et le salafisme : il faut revenir à moins d’intercessions entre le croyant et Dieu. Le salafisme accuse les théologiens islamiques classiques d’être des casuistes, de donner trop de place aux situations particulières, de se perdre dans le juridisme. Ils font le même reproche aux taliban. Si vous lisez les attaques faites par l’État islamique contre les taliban, dans Dabiq le magazine de l’État islamique, ils sont accusés d’être des hanafites qui se dissimulent derrière la sophistication du raisonnement pour ne pas respecter la vraie religion. Cet esprit casuiste, associé à une sophistication de la technique juridique, est la matrice des taliban, dont les chefs sont des juristes avec une formation religieuse. Pour tous ceux que j’ai interrogés, ce qui fait d’eux des gens capables de juger, c’est d’avoir été formés à penser par cas particuliers : ils en sont fiers et ils le revendiquent. Ces attitudes religieuses différentes fondent des théologies politiques différentes. L’État islamique est dans une logique d’universalisme religieux, de projection internationale. A l’inverse, les taliban sont casuistes : ils reconnaissent les formes particulières, le clergé, la forme nationale, la spécificité afghane, les frontières, et leur présence ancrée et située dans le sous-continent indien. Le reste du monde n’est pas leur préoccupation prioritaire. Il y a une dimension presque paroissiale chez les taliban.

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